Samedi 2 mars: une petite visite dans l’ancienne médina de Fès, à 10 H30 du matin. Vue de l’extérieur, la médina, écrasée par le soleil, semblait encore dormante et silencieuse. Mais dès que nous l’avons pénétrée, elle nous a entraînés dans l’agitation, dans les dédales de ses ruelles dont on ressort difficilement.
La visite dans ce lieu riche d’histoire est inoubliable. Il s’en dégage une atmosphère traditionnelle et authentique. On peut rester des heures à déambuler dans ses ruelles et à visiter ses souks traditionnels sans se rendre compte du temps qui s’écoule dans cette plus vieille et plus grande médina du monde, inscrite au patrimoine de l’Unesco depuis 1981.
Ici, depuis un certain temps, la question de la rénovation et de la mise en valeur est récurrente. Connu par ses ruelles anciennes, ses écoles centenaires, ses anciennes bâtisses, ses musés, ses riads et ses nombreuses fontaines, ce lieu chargé d’histoire connaît en effet plusieurs chantiers de réhabilitation et de rénovation, lancés pour préserver la mémoire de cette ancienne médina. Certains chantiers ont déjà été finalisés et d’autres seront entamés très prochainement, selon l’ADER (Agence de Dédensification et la Réhabilitation de la Médina)
Ce grand programme de sauvegarde ambitieux, décliné par l’ADER, a réalisé des résultats satisfaisants et ce, depuis le lancement du premier programme de réhabilitation en 2013 par le Souverain, disait fièrement Fouad Serghini, DG de l’ADER, lors d’une visite guidée organisée au profit d’un groupe de journalistes. «Nous avons achevé plusieurs projets de restauration et nous prévoyons de lancer les travaux de nouveaux chantiers, dans le cadre du programme lancé devant SM le Roi en mai dernier», a déclaré au Reporter Fouad Serghini. Et d’ajouter: «On est à l’œuvre pour l’exécution des chantiers relatifs à 113 sites concernés par un programme d’un montant global de 582 millions de dirhams. Un autre programme concernera notamment les parkings. A noter qu’on est actuellement en train de faire le pavage des grandes artères principales de la médina. Il s’agit aussi d’installer un dispositif d’information touristique». Ces deux projets, a-t-il poursuivi, seront fin prêts d’ici trois mois.
Ville au passé prospère, la médina de Fès a fait l’objet d’une réhabilitation ayant concerné plusieurs bâtiments historiques, dont des médersas et des écoles coraniques (7), des riads, des fondouks (10), etc. Pour constater les changements introduits par certains projets de restauration dans la médina, le DG de l’ADER s’est mis à expliquer le travail réalisé pour chaque monument.
Une attention particulière a été accordée à la médersa Mohammadia, édifiée par feu SM Mohammed V et aux médersas construites à l’époque des Mérinides, au 14ème siècle, à savoir Seffarine (dédiée à l’enseignement des sciences sociales et humaines) et Mesbahiya, lesquelles ont subi une refonte totale de leur espace. Le programme de réhabilitation de ces anciennes médersas avait été présenté au Souverain, en mai 2017. Après leur restauration, ces médersas sont aujourd’hui ouvertes à des fins d’hébergement et d’enseignement, au profit des étudiants du cycle terminal «Al Alimya » et de ceux de la filière de la calligraphie de l’Université Al Qaraouiyine.
La restauration a également concerné Dar Al Mouaqqit, qui sert à la fois d’observatoire à un astronome chargé de l’observation du croissant lunaire et de l’établissement du calendrier des horaires de prière; et de musée où sont exposés d’anciens instruments astronomiques marocains et arabes, traduisant l’intérêt que l’on portait à la notion de l’espace-temps dans la culture islamique.
La réhabilitation a aussi porté sur les tanneries qui ont subi une refonte totale de leur espace, ainsi que sur la célèbre bibliothèque Al Qaraouiyine où sont entreposés plus de 20.000 titres et plus de 3.800 manuscrits. «Cette bibliothèque est considérée comme l’un des grands centres intellectuels du monde arabe. Au fil des siècles, des traités islamiques de droit, d’astronomie et de médecine lui ont été légués par des sultans et des savants», a expliqué le directeur-adjoint de la bibliothèque Boubker Jouane.
Autre bâtiment qui a bénéficié de ce programme de réhabilitation: Banque Al Maghreb. Construite en 1924, ce monument est la plus ancienne banque du Maroc. La première phase de sa réhabilitation a été finalisée en 2016 et, d’ici quelques semaines, le projet de son réaménagement en musée de monnaie sera achevé, selon Fouad Serghini.
La restauration a porté également sur Fondouk «Al Kettani», la maison «Al Azrak», qui date du 15ème siècle et Kissariat «Al Kifah» qui vous ouvre, dans un décor agréable, la voie pour visiter non loin d’autres monuments historiques ayant bénéficié d’une «touche de jeunesse» qui les a véritablement revalorisés.
Souk «Al Kifah», qui compte 500 commerces, a été complètement refait, a tenu à préciser Fouad Serghini. «Il souffrait de beaucoup de problèmes, dont essentiellement tout le béton qui était rouillé. Il fallait le descendre et faire les couvertures des passages avec du bois de cèdre. La rénovation de ce souk a commencé en 2016 et a pris fin en 2018», a expliqué le DG de l’ADER.
Profitant d’une impulsion royale, le projet de réhabilitation et de valorisation de la médina de la ville spirituelle (2013-2017) a nécessité une enveloppe de 600 millions de DH. Il a concerné la réhabilitation de 27 monuments historiques, notamment des médersas, des fondouks, des ponts, des souks, des tanneries, des fontaines et des bordjs. Ce chantier ambitieux a profité à plus de 1.600 personnes (artisans, commerçants et étudiants) et permis le traitement de près de 3.000 bâtiments menaçant ruine dans la médina de Fès.
Pour le DG de l’ADER, la réussite du projet de la médina de Fès a donné l’envie et l’exemple de généraliser cette approche à un ensemble de villes.«Jamais un tel travail n’a été réalisé pour une autre ville du royaume. L’exemple de la médina de Fès peut être pris comme exemple pour la réhabilitation des autres médinas du royaume», a-t-il dit non sans fierté. Et d’ajouter: «C’est un travail de grande envergure qui promet beaucoup aux populations de la médina». Ce programme de restauration, a-t-il dit, vise à améliorer l’accessibilité à la médina et à soutenir son attractivité, à travers notamment la réalisation de parkings.
Cependant, le problème de l’insécurité n’est pas à négliger. Des habitants de la médina regrettent, en tout cas, ce qu’est devenu leur quartier. «Ce n’est plus comme avant. On ne se sent plus en sécurité. On se fait agresser en plein jour», s’est plainte Fatéma qui habite dans la médina de Fès depuis plusieurs décennies. Les autorités de la ville sont appelées à agir afin que ce lieu aux mille mystères garde tout son attrait, en étant totalement sécurisé.
DNES à Fès: Naîma Cherii