L’affaire défraie la chronique à Dakhla. Mardi 29 janvier, la brigade de la gendarmerie dans cette ville a procédé à l’arrestation du chauffeur d’un camion provenant de la Mauritanie et à la saisie d’une quantité de cinq tonnes qu’il transportait…
Le fameux camion appartenait à une mafia de poulpe et devait embarquer, à Dakhla, une autre cargaison de poulpe marocain, indiquent des sources professionnelles à Dakhla. Ces dernières ont affirmé au Reporter que le poulpe de contrebande pêché au Maroc est blanchi, depuis un certain temps, par des documents mauritaniens.
Le chauffeur du camion, qui a été présenté à la justice, est un habitué de ce parcours entre le Maroc et la Mauritanie. Il allait transporter le poulpe de contrebande destiné à l’export vers le marché européen, selon nos sources.
L’enquête a révélé que le camion ne transportait, en venant de Mauritanie, que cinq tonnes de poulpe, qui a d’ailleurs été déclarée au passage à la douane. Alors que sur les papiers, il était écrit 25 tonnes. Ce qui laissait supposer qu’il allait récupérer du poulpe au Maroc. «Sur les documents que le chauffeur du camion a montré aux éléments de la gendarmerie, il s’agissait d’une quantité de 25 tonnes. Mais en vérité, il ne transportait que 5 tonnes de poulpe pêché dans les côtes mauritaniennes. En fait, les vingt autres tonnes de poulpe étaient stockées à Dakhla -et dans d’autres villes du sud- et devaient être récupérées par le chauffeur du camion, avec l’aide des membres de cette mafia qui sévit dans le secteur», déplorent les mêmes professionnels. Ces derniers ajoutent: «De grandes quantités de poulpe de contrebande sont stockées dans des unités frigorifiques et dans des usines clandestines à Dakhla. Elles attendent seulement le passage de ces fameux camions provenant de la Mauritanie, pour prendre le chemin vers l’Espagne».
Comment procède cette mafia? Les fameux camions -et ils sont des dizaines, selon nos sources bien informées- transitent par le poste frontière Maroc-Mauritanie. Ils arrivent au Maroc vides ou transportant une petite quantité de poisson pêché en Mauritanie, qui sera ainsi déclarée aux douaniers et aux gendarmes marocains. Une fois à Dakhla, Laâyoune ou encore Agadir, les contrebandiers embarquent de très grandes quantités de poulpe capturé dans les côtes marocaines. Cette mafia du poulpe, opérant dans la zone Maroc-Mauritanie (elle a aussi des ramifications en Espagne), utilise de faux documents provenant de la Mauritanie, pour une marchandise marocaine transportée par des camions transitant par la frontière maroco-mauritanienne.
Dans les milieux professionnels, l’activité de cette mafia de poulpe est dénoncée. De l’avis de plusieurs sources professionnelles à Dakhla, approchées par Le Reporter, ces camions, dont le nombre est estimé à plusieurs dizaines, représentent une menace pour la richesse halieutique nationale. «Nos ressources halieutiques continuent d’être surexploitées par les contrebandiers, notamment pendant les repos biologiques. Ces trafiquants, qui ont maintenant des ramifications en Mauritanie et en Espagne, utilisent de grands camions pour transporter ce poulpe de contrebande à destination de l’Espagne», lancent ces professionnels. Ces derniers évoquent la présence, ces derniers jours, de dizaines de camions vides ou transportant une petite quantité de marchandises, en attendant de passer par le poste frontière de Guerguerate.
Ces mêmes sources avancent que, rien que pour la journée du mercredi 30 janvier 2018, il y a eu le passage par ce poste d’une trentaine de camions provenant de la Mauritanie. Objectif: récupérer le poulpe marocain (pêché de manière illégale dans les côtes marocaines durant l’arrêt d’activité) en utilisant des documents administratifs faits en Mauritanie. C’est dire le manque à gagner pour la Trésorerie du Maroc, lancent nos sources, lesquelles précisent que chaque camion transporte entre 25 et 30 tonnes.
Le passage de ces camions se fait dans l’indifférence des responsables qui sont, pourtant, censés combattre les réseaux mafieux opérant dans le secteur de la pêche du poulpe. Leur intervention reste occasionnelle, comme à la veille du lancement de la campagne de pêche des céphalopodes qui a été entamée le 5 janvier 2019, déplore un professionnel à Dakhla.
Notons enfin que les captures de céphalopodes sont, cette année, en baisse, selon le dernier rapport scientifique diffusé par l’Institut national de la recherche halieutique (INRH). Raison pour laquelle, les responsables du département de Aziz Akhannouch n’avaient d’autre choix que de baisser les quotas. Cette mesure, rappelons-le, a été prise par le Comité de suivi qui a ordonné le report de l’ouverture de la nouvelle saison hivernale de la pêche aux céphalopodes, qui ne s’est effectuée que le 5 janvier 2019, au lieu du 15 décembre 2019, date prévue initialement.