C’est un vote massif et sans appel. La communauté internationale ne reconnaît pas Jérusalem comme capitale d’Israël. Ce rappel était indispensable, il a été cinglant.
Les Etats-Unis ont essuyé à l’Assemblée générale de l’ONU une large condamnation de leur reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, après avoir multiplié les menaces financières contre les pays opposés à leur position. C’est un point important. Il y a eu de fortes pressions sur l’organisation internationale, comme sur les pays membres. Le dollar n’aura pas imposé sa loi. L’ONU, si critiquée à juste titre, en sort grandie. Cependant, ces menaces ont eu des effets. 35 Etats se sont abstenus et 21 n’ont pas pris part au scrutin. Parmi les abstentionnistes, le Canada, le Mexique, l’Argentine, mais aussi, signe de la difficulté de l’Union européenne à définir une position commune, la Pologne, la Hongrie ou la République tchèque.
Le vote canadien a été très critiqué dans la presse. Le gouvernement Trudeau a-t-il fait preuve de prudence ou de pusillanimité dans ce dossier? S’interroge La Presse. Autre façon de poser la question: en pleines négociations sur la modernisation de l’ALENA, le Canada pouvait-il se permettre de se mettre à dos Donald Trump, qui a menacé de déchirer ce traité de libre-échange?
Sur les 193 pays membres des Nations Unies, 128 ont voté en faveur d’une résolution condamnant la décision annoncée, le 6 décembre, par Donald Trump sur Jérusalem, à rebours de la position américaine traditionnelle et du consensus de la communauté internationale. Neuf pays (Etats-Unis, Israël, Guatemala, Honduras, Togo, Micronésie, Nauru, Palaos et îles Marshall) ont voté contre ce texte qui répond à une initiative des Palestiniens. Les 14 partenaires des Etats-Unis au Conseil de sécurité avaient approuvé à l’unanimité, lundi 18 décembre, une condamnation de la décision de Donald Trump. Un vote finalement bloqué par un veto des Etats-Unis et dénoncé par la diplomatie américaine comme «une insulte que nous n’oublierons pas». A l’Assemblée générale, aucun pays n’a en revanche de droit de veto sur les résolutions qui ne sont pas contraignantes.
Le bras de fer, cependant, va continuer et Trump pourrait faire payer cher son humiliation. «Les Etats-Unis se souviendront de cette journée qui les a vus cloués au pilori devant l’Assemblée générale pour le seul fait d’exercer notre droit de pays souverain», a déclaré l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, avant le vote.
«Nous nous en souviendrons quand on nous demandera encore une fois de verser la plus importante contribution» financière à l’ONU, a-t-elle lancé, menaçant à nouveau de «mieux dépenser» l’argent des Américains à l’avenir. En réponse à la menace de Nikki Haley de «noter les noms» de ceux qui ont voté la résolution, le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad Al-Malki, a estimé: «L’Histoire note les noms» de «ceux qui défendent ce qui est juste» et de «ceux qui mentent».
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s’est déclaré satisfait du nombre de pays qui n’ont pas voté la résolution de l’ONU. «En Israël, nous rejetons cette décision de l’ONU et réagissons avec satisfaction face au nombre important de pays qui n’ont pas voté en faveur de cette décision», a affirmé le Premier ministre dans un communiqué de son bureau.
Cette affaire permet à la Turquie d’Erdogan de revenir très fort dans le jeu. Fervent défenseur de la cause palestinienne, M. Erdogan est l’un des plus véhéments critiques de la décision de M. Trump de désigner la Ville sainte comme la capitale d’Israël. Avant le scrutin à l’ONU, M. Erdogan avait vivement critiqué M. Trump, l’accusant de vouloir «acheter» des voix, après que celui-ci eut menacé de réduire les aides financières aux pays qui voteraient en faveur de la résolution. «Monsieur Trump, vous n’arriverez pas à acheter la volonté démocratique de la Turquie contre des dollars», avait notamment lancé le chef de l’Etat turc. Ce dossier a par ailleurs provoqué des frictions diplomatiques entre la Turquie et Israël, deux pays qui ont normalisé leurs relations l’an dernier, après six années de froid.
Le président turc a exhorté, après le vote, son homologue américain, Donald Trump, à revenir «sans délai» sur sa décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.
«Nous accueillons avec un grand plaisir le soutien écrasant de l’Assemblée générale de l’ONU à une résolution historique sur Jérusalem», a déclaré Erdogan sur Twitter. «Nous attendons de l’administration Trump qu’elle revienne sans délai sur sa décision regrettable, dont l’illégalité a été clairement établie» lors de ce vote, a ajouté le chef de l’Etat turc.
Patrice Zehr