Figure controversée de l’islam en France, le théologien Tariq Ramadan se retrouve en pleine tourmente depuis que deux femmes ont porté plainte contre lui pour viol, une campagne de « calomnie » menée, selon lui, par ses « ennemis ».
Visé depuis lundi dernier par une enquête à Paris pour « viol, agression sexuelle, violences et menaces de mort », l’islamologue suisse de 55 ans est sorti de son silence ce week-end, après la révélation d’une deuxième plainte dénonçant des faits similaires.
« Je suis depuis plusieurs jours la cible d’une campagne de calomnie qui fédère assez limpidement mes ennemis de toujours », écrit-il sur Facebook, annonçant qu’il déposerait plainte « puisque (ses) adversaires ont déclenché la machine à mensonges ». Il avait déjà déposé plainte pour « dénonciation calomnieuse » après la première affaire.
Brillant orateur très populaire parmi certains musulmans conservateurs, il est accusé par ses détracteurs de tenir un double discours, modéré sur les plateaux télévisés où il excelle, et radical devant des publics plus restreints et acquis à ses propos.
La première femme à l’avoir accusé, Henda Ayari, ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque, dit avoir eu « le courage » de nommer son agresseur dans le contexte de la campagne #BalanceTonPorc en France.
Malgré les « centaines de messages de menaces » envoyés via les réseaux sociaux par des partisans du charismatique intellectuel, Henda Ayari, 40 ans, étayait lundi ses accusations contre celui qui, selon elle, « utilise l’islam pour assouvir ses pulsions sexuelles ».
Elle raconte avoir d’abord échangé avec le petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans sur les réseaux sociaux avant de le rencontrer en 2012 à l’occasion d’un rendez-vous qu’il lui avait donné dans un hôtel parisien en marge d’une de ses conférences.
Elle mentionne son admiration initiale pour celui qu’elle voyait comme « un grand frère, un homme religieux », avant le « cauchemar »: « il s’est littéralement jeté sur moi comme un bête sauvage », « m’a étranglée ». « J’ai vraiment cru mourir. J’étais certaine ce soir-là que si je continuais à le repousser il me tuerait », raconte-t-elle dans plusieurs médias.
Le témoignage d’une deuxième victime présumée, révélé par Le Monde et Le Parisien, fait état d’un modus operandi similaire : un rendez-vous en marge d’une conférence après une correspondance écrite avec l’islamologue, une agression au bout de quelques minutes, d’une extrême violence.
Dans ses déclarations, cette femme qui a souhaité garder l’anonymat raconte des gifles au visage et des coups de poing dans le ventre, plusieurs viols.
Les faits, appuyés de certificats médicaux fournis par la victime présumée, se seraient déroulés en 2009 à Lyon, mais la plainte a été jointe à l’enquête ouverte à Paris le 23 octobre après la plainte de Mme Ayari, du fait de la similarité des faits, a précisé lundi une source judiciaire.
L’essayiste Caroline Fourest, virulente opposante de Tariq Ramadan et auteure de « Frère Tariq », dit avoir été alertée dès 2009 par trois femmes, victimes, selon elle, de « sévices particulièrement violents, traumatisants et dégradants » de ce « gourou » qui entretient une « relation sectaire avec son public, par la séduction ».
« Ces femmes sont sous son emprise, elles sont d’abord fascinées, peut-être même attirées au départ », a-t-elle affirmé à la prersse.
Par ailleurs, les représentants musulmans en France sont restés silencieux depuis le début de l’affaire.
Sur les réseaux sociaux, les échanges entre pro et anti-Ramadan témoignent du côté clivant du personnage, y compris au sein de la communauté musulmane.