Mafia de l’immigration : Le Gouvernement interpellé par les professionnels de la pêche côtière sur le vol des bateaux de pêche

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Après les barques, les navires de pêches pélagiques sont aussi ciblés par une mafia de l’immigration ! La fédération des chambres des pêches maritime s’inquiète et interpelle le Gouvernement sur le vol des bateaux de pêche pélagique.

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Environ 384 km séparent la ville de Dakhla des îles Canaries et depuis plus d’une décennie, des migrants tentent régulièrement de traverser la mer pour rejoindre l’Espagne à travers cette communauté autonome d’Espagne.

Au cours du premier trimestre 2025, la route maritime de trafic de migrants entre l’Afrique de l’Ouest et du Nord et les îles Canaries est devenue l’itinéraire le plus actif pour entrer dans l’Union européenne, selon l’OIM, indiquant qu’au premier semestre 2025, 11 321 migrants ont atteint les îles Canaries de manière irrégulière depuis les côtes de l’Afrique de l’Ouest et du Nord. Les autorités marocaines avaient intercepté, en 2024, environ 80 000 migrants en 2024.  Elles avaient secouru 18 645 migrants en détresse à bord d’embarcations de fortune, en augmentation par rapport à 2023.

Les villes de Dakhla, Tarfaya, Boujdour, Tan Tan ou encore Agadir sont devenues, depuis l’intensification de la lutte contre les réseaux de passeurs de migrants en Méditerranée, une plateforme pour l’immigration clandestine, déclare Hassan Ammari, président de l’Association d’aide aux migrants en situation de vulnérabilité (AMSV), pour qui la situation est très inquiétante.

«Depuis que les autorités ont renforcé la surveillance des eaux méditerranéennes pour intercepter les embarcations de migrants, les passeurs multiplient  leurs traversées sur les côtes atlantiques, à un rythme très accéléré. Le phénomène prend une ampleur très importante. Ça  ressemble à ce qui s’est passé en 2012 et 2013 lorsque la situation avait atteint un niveau très préoccupant», explique ce spécialiste de l’immigration.

Il pointe les réseaux de passeurs de migration qui accélèrent leur rythme en raison de la forte demande, rendant ainsi leur business international très lucratif. Il confie que plusieurs villes du sud ont été troublées ces derniers jours par plusieurs affaires de disparitions d’embarcations transportant des migrants clandestins, qui souhaitaient rejoindre les iles canariens.

De nouveaux migrants marocains disparus

Alors que les familles marocaines des migrants clandestins disparus se préparaient à tenir mardi 21 octobre  un nouveau sit-in à Rabat  pour tenter d’obtenir des nouvelles de leurs enfants, portés disparus depuis des années en mer ou dans des centres de détention, deux ONG marocaines ont lancé ce lundi 20 octobre un appel aux autorités nationales et internationales  pour retrouver 44 migrants disparus avec leur embarcations, au large de Dakhla. Aux alentours de 2 heures du matin, mercredi 24 septembre 2025, la barque aurait quitté la plage de Wadi Lakraa, près de Dakhla en direction des îles Canaries, indiquent les deux ONG. L’Association marocaine d’aide aux migrants en situation difficile à Oujda et l’Organisation marocaine pour la migration et le soutien aux migrants à Agadir ont indiqué, dans un communiqué conjoint, lundi 20 octobre, que parmi les 44 passagers se trouvaient 27 Marocains (3 femmes et 2 enfants) et 17 ressortissants d’Afrique subsaharienne.

Malgré plusieurs tentatives de contact, les familles – majoritairement originaires de Casablanca et Midelt – n’ont plus réussi à joindre leurs proches. Sans nouvelles de leurs proches, les familles ont donné l’alerte. Dans le même communiqué, parvenu à Le Reporter, les deux organisations avertissent également qu’une autre barque transportant 51 migrants, marocains et subsahariens, partis le 13 octobre 2025 des côtes atlantiques, a été retrouvée près de Tan-Tan. Après environ huit jours en mer, les 51 migrants, dont trois femmes, sont actuellement détenus par la Gendarmerie royale à Tan-Tan. Mais une victime décédée aurait été recensée, probablement un migrant d’origine subsaharienne, indique la même source. Une enquête est ouverte et menée par le parquet de Tan Tan.

A l’heure où nous mettions en ligne, on apprenait aussi  qu’une autre embarcation, partie le 16 octobre des côtes de Boujdour, a disparu. Information confirmée par le président de l’AMSV. Elle transportait 47 migrants clandestins en quête d’un avenir meilleur dans le continent européen, précise cet associatif, ajoutant que «des centaines de familles se tournent vers l’Association pour signaler la disparition d’un de leurs proches ».

Dans un entretien téléphonique, le président de l’AMSV a confie que  les disparus marocains pourraient se compter par milliers. Mais, selon les dossiers parvenus à l’association, on estime qu’ils sont  plus d’un millier, à travers le pays, à avoir disparu, dit-il.

Selon ce spécialiste des migrations, la situation arrive à un seuil très inquiétant : «Chaque année, nous recevions 60 dossiers de disparitions lors des tentatives de migration. Mais l’association enregistre actuellement plus de 1000 signalements de personnes disparues sur les routes de l’immigration». Et le phénomène risque de prendre d’ampleur, pense notre interlocuteur. « Ça devient inquiétant». « Il faut avoir la volonté et lancer un débat public sur la question», estime cet associatif.

Vigilance au plus haut niveau …

Selon nos sources bien informées, la vigilance est actuellement au haut niveau dans plusieurs ports du Royaume. Les mêmes sources font état d’une longue liste de disparitions de barques de pêche, notamment dans les villages de pêche où le risque serait de plus en plus grand.

Selon des sources professionnelles, le phénomène aurait pris ces dernières semaines une proportion inquiétante au regard du nombre de barques de pêche artisanale volées par des passeurs de migrants clandestins au niveau des différents points de pêche à travers le pays,

Aucun port n’est à l’abri de ce problème, d’après des sources concordantes. «Les incidents de vol sont si nombreux que les professionnels de la pêche artisanale dont les barques ont été dérobées ne s’y retrouvent plus. Tous les ports connaissent ce problème», affirme Abdelkader Touirbi, secrétaire national de la CDT-section de la pêche. «C’est un phénomène qui prend de l’ampleur.  Ces gens qui volent les embarcations des pêcheurs, on sait très bien ce qu’ils vont en faire. Soit qu’ils vont transporter des migrants, soit ils vont faire de la contrebande. En tant que «Rais» qui a passé 40 ans dans ce métier, ça m’inquiète énormément», explique ce professionnel de la pêche à Safi.

Sur ces embarcations de fortune, les passeurs entassent des centaines de personnes entre les côtes atlantiques et les îles Canaries. D’après les témoignages recueillis auprès de certaines familles de migrants disparus, leurs enfants ont payé entre 30.000 et 50.000 dirhams.

Les barques sont souvent modifiées pour les rendre plus adaptées à l’usage de passagers, mais pas assez pour assurer la sécurité des migrants.  «On refait ces embarcations pour les adapter aux traversées de ces migrants. Mais pas de façon professionnelle, c’est ce qui cause l’infiltration de l’eau dans la barque. Et même les moteurs ne sont pas bien soudés», constate le spécialise de migration, Hassan Ammari.

Il ajoute: «Ces barques de fortune ne respectent pas les normes de sécurité et ne peuvent en aucun cas faire face à des conditions météorologiques et à une mer agitée. C’est ce qui explique d’ailleurs les incident en mer qui ont coûté la vie à beaucoup de migrants ».

Sans emploi, certaines personnes se retrouvent désœuvrées et sans revenus. Ils deviennent des proies faciles pour ces mafias de migration qui recrutent des hommes à tout faire. Plus surprenant encore, ces réseaux arrivent à embaucher des pêcheurs  et des gardiens de bateaux de pêche côtiers pour financer leur propre traversée, explique, sous anonymat, un professionnel de la pêche côtière à Agadir. «Les gardiens de bateaux de pêche se transforment en migrants clandestins. Les passeurs peuvent même leur confier la conduite des bateaux de pêche (pélagiques) qu’ils ont volés. Car ils connaissaient un peu la navigation et se retrouvent à la barre», confie la même source.

A Safi, une tentative de vol d’un «senneur»  déjouée

Le bateau de pêche pélagique «Al Nahla» est toujours à quai au port de Safi. Ce senneur a fait l’objet d’une tentative de vol le 15 octobre. Mais ce bateau de pêche côtière, long de 17 mètres, n’a finalement pas été dérobé. Les deux malfaiteurs ont été arrêtés après l’intervention des éléments de la gendarmerie qui les ont empêchés de réussir leur tentative de vol, selon des sources professionnelles. Celles-ci avancent que l’opération a été menée par l’assistant d’un gardien du bateau en question, en compagnie d’une personne considérée comme le cerveau de cette opération.

Originaire de Kelaat Sraghna, cette personne était recherchée au niveau national par les autorités maritimes du port de Tan Tan, pour son implication dans un vol d’un autre bateau «Bouchaib». Nos sources au port de Safi indiquent que les deux malfaiteurs prévoyaient de s’emparer du senneur «Nahla» pour l’utiliser en suite pour rejoindre Las Palmas.

Mais cette tentative de vol a été déjouée par la gendarmerie royale maritime au port de Safi, après avoir détecté une activité inhabituelle à bord du navire «Nahla», immatriculé sous le numéro 8/971 auprès de la délégation des pêches maritimes à Agadir.

Dans les milieux de la pêche côtière à Safi, on se dit inquiet. Dans ce port, les armateurs sont sur les dents et sont de plus en plus prudents.  Ils engagent des surveillants pour détourner toute tentative de vol pouvant cibler leurs bateaux. «Après cette tentative de vol, les professionnels ont maintenant peur pour leur outil de travail. Ils ont peur de venir le lendemain et qu’on leur dise que leur bateau a été volé, alors qu’il n’est même pas assuré. Le problème c’est que la plupart des bateaux de pêche dans ce port ne sont pas assurés», souligne Abdelkader Touirbi, capitaine de pêche au port de Safi.

Celui-ci fait savoir au passage que l’incident a été au menu d’une réunion sécuritaire de haut niveau, vendredi 17 octobre. Ont participé à cette rencontre, l’ensemble des  parties concernées par la surveillance du port de Safi, selon des sources informées. Pour renforcer la sécurité dans ce port et prévenir les vols de bateau de pêche, il a été décidé de mettre en œuvre des actions urgente pour contrer ce problème.

Désormais, aucun bateau de pêche ne peut sortir en mer sans une autorisation écrite et délivrée par les autorités maritimes. De même, les capitaines de navires de pêche, «Rais» doivent maintenir une communication continue avec le Centre de contrôle des navires (VTS) via les canaux radio officiels (VHF).

Une des mesures ayant été annoncée lors de cette rencontre c’est l’intensification de la surveillance nocturne par des patrouilles de sécurité et des gardes conjointes.

Toujours dans le cadre de ces mesures décidées, il est nécessaire de combiner des mesures de surveillance, de contrôle d’accès, des équipements de sécurité et d’adopter des comportements de prévention et surveiller les zones à risque, etc. Une coopération entre les professionnels et les autorités est aussi cruciale pour signaler les activités suspectes et assurer une meilleure protection.

Après les barques, les navires de pêches pélagiques sont aussi ciblés !

Après les barques, les bateaux de pêche pélagique sont également ciblés par la filière de l’immigration clandestine. Au cours de ces derniers mois, des  réclamations ont  été déposées auprès des services de la délégation régionale de la pêche maritime, notamment à Agadir, a-t-on appris.

«Les mafias de l’immigration adoptent une nouvelle méthode. Elles embauchent des gardiens de bateaux de pêche côtiers pour ensuite les pousser à voler ces mêmes bateaux», disent nos sources.

Celles-ci confient qu’aucun port n’est à l’abri de ce phénomène de vol de barques ou de bateaux de pêche côtière. La dernière affaire date de deux  semaines au port de Safi où une tentative de vol de bateau a été enregistrée, rappelle-t-on.

Alors que l’Administration se refuse à tout commentaire sur ce dossier, la fédération des chambres des pêches maritimes se préoccupe de ces vols. Son président, Larbi Mhidi poursuit «très surpris et énervé» que des bateaux pélagiques, qui coûtent plus de 10 millions de dirhams et long de 17 mètres, soit volés.

Il constate que les méthodes de traversée s’organisent de plus en plus. «Le vol de bateaux senneurs c’est vraiment une première au Maroc. Et ça met beaucoup de questions en suspens parce que naviguer sur un bateau de pêche et le faire sortir d’un port ce n’est pas une chose facile. On est sur un mode opératoire inédit», dit-il.

«Jusqu’à présent, on ciblait surtout les barques artisanales ou de canot pneumatique. Mais là, c’est inédit. Ces derniers mois, on a eu des vols de senneurs (bateau sardinier)», tient à préciser le président, non sans colère.

«On a déjà eu des vols de petits palangriers  mais pas de cette taille. Un senneur c’est quand même long de 17 mètres», a confirmé Mhidi. Selon ce professionnel, rien qu’au cours de cette année, deux senneurs ont été dérobés dans le port d’Agadir et un autre bateau dont la tentative de vol a fort heureusement été déjoué  par la gendarmerie royale au port de Safi, ajoute le président, qui n’écarte pas à priori «toute complicité».

Il y a quelques mois, après avoir constaté que leurs bateaux n’étaient pas accostés au port d’Agadir, les propriétaires des senneurs «Houssein» et «Lingountine» ont porté plainte pour vol. Une enquête pour vol a été ouverte pour retracer le parcours des deux bateaux et comprendre ce qui s’est réellement passé. Les deux armateurs ne savaient pas dans quel état ils allaient retrouver leur navire. En attendant eux et leurs marins se retrouvaient au chômage technique, indiquent nos sources au port d’Agadir.

Pour le senneur «Lingoutine», ce sont les proches de certaines personnes employées à bord du bateau qui l’ont dérobé, selon la même source. «Arrivés en Espagne, il y a quatre mois, les passagers du bateau ont été emmenés à Madrid dans le cadre d’asile politique.  Alors qu’il s’agissait d’un vol de navire de pêche. On devait arrêter ces personnes et les rapatrier au Maroc pour qu’elles soient poursuivies en justice  pour vol. Le propriétaire victime de ce vol, quant à lui, a dû payer 300 mille dirhams pour récupérer son bateau», indique Larbi Mhidi.

Il poursuit : «On est plus sur une logique de mafia  qui se procure par le vol un bateau de pêche côtier pour organiser des traversées de mer vers les îles Canaries», dit encore le président de la fédération, Mhidi. Mais pas seulement. Il pointe des mafias de contrebande. Il évoque l’affaire du  deuxième senneur «Housseine», lequel  a été brûlé par ses voleurs quand ils sont arrivés à Lanzarote, une île espagnole située à l’est de l’archipel des Canaries.

«Pourquoi va-t-on brûler un bateau, comment l’expliquer si ce n’est pour cacher quelque chose qu’on ne veut pas que les autorités sécuritaires découvrent», dit encore le président de la fédération des chambres des pêches maritimes.

Le président de la fédération ne mâche pas ses mots. «Les malfaiteurs sont sortis du port sans l’autorisation de la capitainerie.  Ils ont pu échapper à leur vigilance. Ils ont réussi quand même à traverser la mer entre Agadir et les îles Canaries. Et finalement, ils sont arrivés en Espagne», «Il va falloir être vigilants sur la surveillance dans les ports de pêche», « Il ne faut pas que ça donne des idées aux autres. Maintenant il va falloir trouver des solutions à ce phénomène. Car ça devient grave», dit Larbi Mhidi. Si on ne fait rien, conclut-il, le phénomène des vols de bateaux de pêche côtiers pourrait s’accentuer

Ces vols inédits préoccupent les membres de cette fédération. Le 24 septembre, la fédération a interpellé le Gouvernement Akhannouch sur le vol des bateaux de pêche côtiers (pélagique) au Maroc. Dans une lettre adressée le 24 septembre 2025, au Chef de gouvernement, et dont Le Reporter détient copie, la fédération demande son intervention urgente pour protéger les bateaux de pêche côtiers des vols et ouvrir un dialogue avec le gouvernement espagnol concernant la demande d’asile par « ces voleurs de bateau ».

 Enquête réalisée par Naima Cherii 

 

 

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