Depuis quelques jours, des voix syndicales dans certains ports de pêche du pays sont sur le pied de guerre. Selon ces sources bien informées, l’activité de la pêche serait prise en otage par l’informel dans ces ports. De grandes quantités de poissons capturées y circulent en dehors du circuit normal, affirment les mêmes sources, lesquelles demandent qu’une enquête soit menée dans ces sites portuaires pour mettre fin à ce problème.
Les ports de Larache, Safi, ou encore de Mehdia, ne finissent pas de susciter la polémique. En cause, un marché noir y sévit depuis déjà un certain temps, déplorent nos sources syndicales. Celles-ci révèlent que des quantités énormes de produits halieutiques transitent par le circuit informel.
Dans le port de Larache, pour ne citer que ce port, des syndicalistes ne mâchent pas leurs mots. «C’est l’anarchie totale. Le port de pêche de la ville de Larache est l’un des points noirs. Ce qui s’y passe est un crime. Une bonne partie de la production capturée n’est pas déclarée», affirme Hassan Merbah, secrétaire local de l’association nationale de la pêche maritime.
Selon ce syndicaliste, sur les 80 bateaux sardiniers que comptent ce port, «seuls 5% déclare leurs captures, alors que les 95% restants échappent au circuit normal». Notre interlocuteur révèle que «ces opérations informelles» seraient menées par des armateurs dans l’enceinte de ce port.
«La plupart des armateurs (sardiniers) sont également des mareyeurs. Plusieurs d’entre eux ne déclarent pas toutes leurs captures. Ils ne déclarent qu’une très petite quantité de leurs débarquement», dit Hassan Merbah, également membre de l’Association nationale des marins-pêcheurs du Maroc. Et ce n’est pas tout. «Sur les caisses (sardines ou anchois) déclarées, on déclare un autre poisson moins cher que le poisson que l’on a réellement capturé», tient-il à souligner.
Hassan Merbah accuse certains responsables de l’ONP et agents de contrôle de «laxisme». Il y a deux mois, indique-t-il, le directeur de l’ONP à Larache a été démis de ses fonctions, après avoir fait l’objet d’une plainte par une association. «Cette association a interpellé les responsables sur les quantités énormes de poissons qui continuent de passer par le circuit informel sans que les contrebandiers ne soient dérangés par les agents de contrôle», précise-t-il.
Non sans colère, ce syndicaliste tient à souligner que la plupart des pêcheurs sortent à la retraite avec zéro dirham. «C’est l’une des conséquences de ces opérations illégales. Le marin-pêcheur peut travailler toute sa vie sur un bateau de pêche. Mais, à la retraite, il se retrouve sans rien. Car on ne déclare pas toutes les prises», explique Hassan Merbah.
Au port de Safi, le trafic rapporte gros !
A 574 km du port de Larache, le port de Safi, lui aussi, n’a pas fini de faire la polémique. Ces derniers jours, des observateurs dénoncent un marché noir qui y sévit au vu et au su de tous, selon les dires de nos sources proches du dossier.
Celles-ci avancent que l’organisation des circuits de débarquement et de commercialisation des produits halieutiques n’est pas respectée par tous dans ce port. Car, disent-elles, le trafic rapporte gros aux «contrebandiers».
Nos sources pointent des armateurs et des mareyeurs qui arrivent à avoir de faux documents avec la connivence de certains agents de contrôle à l’administration et certains responsables de l’ONP.
Ce mardi 16 septembre, nous avons approché Said Magueri, premier adjoint du secrétaire du syndicat démocratique de la pêche maritime, affilié à la fédération démocratique de travail à Safi. Ce pêcheur n’y va pas par quatre chemins. «Cela fait vingt ans que ce problème est là», dit-il fermement.
«Nous n’avons pas arrêté d’interpeller les responsables du secteur sur cette activité illégale. Mais ce problème continue d’exister dans ce port. Aucun contrôle. Rien n’a changé», affirme Said Magueri, qui demande qu’une enquête soit menée dans ce port pour mettre fin à ce marché noir.
«Je peux vous dire que le phénomène a pris de l’ampleur. Des armateurs sont impliqués dans ces opérations illégales. Certains d’entre eux ne déclarent pas la totalité de leurs prises. Ils concluent des accords avec des mareyeurs grossistes pour leur vendre leurs captures, sans même passer par la criée officielle. Ce qui est illégal», confie S.Magueri.
Le prix référentiel est de 3 dirhams dit-il. «Mais ce qui est grave c’est que ces armateurs arrivent à avoir des documents attestant que leur poisson est allé à la halle aux poissons. Et sur les documents qu’ils ont pu avoir, il est noté un prix de référence de 3 dirhams, alors que leur poisson a été vendu à 10 ou 11 dirhams», soutient ce syndicaliste, qui pointe même des agents à l’ONP et certains agents de contrôle à la délégation régionale de pêche à Safi de «laxisme».
Notre interlocuteur syndicaliste évoque deux criées: une officielle et une autre criée «illégale». «Le poisson est débarqué sur le quai pour y être vendu. Plusieurs mareyeurs grossistes prennent part à cette criée informelle», explique-t-il, ajoutant que «plusieurs criées illégales peuvent se tenir sur le même quai».
Ces mareyeurs, dit-il, ne déclarent pas toute la production, ni d’ailleurs le prix réel du produit vendu via cette «criée illégale». Ils déclarent seulement un prix référentiel de 3 dirhams au lieu du prix réel qui peut arriver à 11-12dirhams le kilo, précise encore Said Magueri.
C’est dire pour ce syndicaliste, le manque à gagner que représentent ces opérations «illégales» pour la trésorerie de l’Etat.
N.Cherii