Karim Sbai : «Il y a des lobbies qui ont des passe-droits et qui arrivent à faire ce qu’ils veulent dans l’impunité totale et sans passer par les circuits réglementaires qu’on impose à d’autres»

Karim Sbai, Président du Conseil de l'Ordre des Architectes de la Région Centre

Entretien avec Karim Sbai, Président du Conseil de l’Ordre des Architectes de la Région Centre

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Des images de l’écroulement la semaine dernière d’un immeuble au quartier Bourgogne ont fait le tour de la toile. On attribue l’effondrement à des travaux de réparation qui ont touché les piliers et les supports d’un restaurant situé au rez-de-chaussée. Selon vous, quelles pourraient être les raisons de l’effondrement ? Les travaux pourraient-ils être la seule raison de l’effondrement ?

A 90% ça devrait être la seule raison. Parce que les travaux qui ont été effectués ont été faits clandestinement, en l’absence de plan, en l’absence de compétences en la matière. Il n’y avait ni architecte ni ingénieur ni rien du tout. Et on a bien vu sur l’une des images que l’un des poteaux a commencé à éclater. Il y a eu des fissures assez importantes, lesquelles ont été causées justement par les travaux. De mon point de vue ce sont donc ces travaux qui ont causé l’effondrement.

Cet effondrement rappelle aux Casablancais d’autres drames similaires. Que dites-vous de ce phénomène qui se reproduit souvent ?

Malheureusement ça continue encore. Mais il ne faut pas oublier que pour ce cas de figure là, ça aurait été très grave si l’autorité n’avait pas fait évacuer les habitants de l’immeuble à temps. Ma lecture de tout ça c’est qu’il y a un laisser-aller qui continue. Il y a encore des lobbies, il faut bien les appeler par leur nom. Ces lobbies ont des passe-droits et arrivent à faire ce qu’ils veulent dans l’impunité totale et sans passer par les circuits réglementaires qu’on impose à d’autres. C’est quelque chose qui est vraiment à déplorer. Et c’est dommage qu’en 2024 on continue encore à voir ce genre d’incident. En plus du problème de sécurité, ce genre d’incident nuit à l’image de notre pays. Vous savez les gens nous regardent et nous observent de partout dans le monde. Ce qui se passe maintenant à Casablanca c’est quelque chose qui est très négatif par rapport à cette image du Maroc qui est très positive ces dernières années. Encore une fois, c’est malheureux que ces choses-là se passent dans l’impunité totale. C’est vraiment malheureux.

Faut-il s’attendre à d’autres effondrements dans l’entourage de l’immeuble en question?

Non. Je ne pense pas. A moins qu’il y ait des erreurs de ce genre et qu’il y ait encore quelqu’un qui fasse des choses qui ne sont pas réglementaires et qui casse une structure porteuse. Le même problème peut se reproduire ailleurs si on continue à avoir des agissements irresponsables en touchant la structure de la façade d’une manière anarchique.

Concrètement, si le propriétaire d’un immeuble veut entamer des travaux, que doit-il faire ?

Il faut savoir qu’on n’a pas du tout le droit de commencer les travaux de quoi que ce soit, que ce soit le carrelage ou le faux plafond, sans avoir l’autorisation. La première des choses à faire avant d’entamer les travaux c’est d’abord avoir l’autorisation de ce qu’on veut exécuter. Ce n’est donc qu’à partir du moment qu’on a cette autorisation entre les mains qu’on doit mettre le numéro de l’autorisation avec la date de la délivrance de l’autorisation affichée à l’extérieur bien visible. Et c’est à partir de ce moment là qu’on peut démarrer nos travaux et on doit aviser l’administration du démarrage des travaux. De cette manière, les surveillants de la commune concernée savent dans tel endroit le chantier a démarré et ils pourront ainsi effectuer le contrôle dans les règles de l’art.

Quel regard portez-vous sur le traitement judiciaire qui est réservé au Maroc à ces effondrements qui se reproduisent de temps à autre à Casablanca?

Ces cinq dernières années, le traitement judiciaire a changé. Il y a moins de laisser aller dans le traitement de ces dossiers, même par rapport aux peines prononcées contre ces personnes qui s’avèrent coupables. Les peines ont changé. Il ne s’agit plus de payer uniquement une amende. Les peines d’emprisonnement sont là, mais je pense qu’on peut mieux faire. Il faut encore être plus sévère avec ces gens qui jouent avec les vies de nos concitoyens. De mon point de vue, il faudrait leur donner les peines les plus lourdes. Car il n’est pas question que quelqu’un fasse des travaux anarchiquement et cause des morts parmi les citoyens innocents qui sont dans leur maison. Et même par rapport à cet effondrement qui vient de se produire à Casablanca, c’est déplorable que des gens se retrouvent, d’une heure à l’autre, dans la rue. C’est quelque chose qui frustre les gens, qui, à cause de cet incident, ont tout perdu et se retrouvent sans rien et sans abri.

Propos recueillis par Naima Cherii

 

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