Toutes ces dernières années, le Maroc et l’Espagne avaient donné l’impression d’avoir solidement resserré leurs liens, d’avoir assis leur coopération sur des bases de confiance mutuelle et de respect réciproque.

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Elle semblait loin l’époque (2002) de l’arrogance affichée par un «Aznar-va-t-en guerre» qui avait dégainé toute son artillerie et mobilisé son armada pour un rocher abritant deux chèvres qu’il s’était fait fort de disputer au Maroc (le minuscule îlot Leïla, ou Perejil, au large de Ceuta).

L’Espagne post-Aznar a su défendre ses intérêts au Maroc et même à les développer au point d’arriver parfois à supplanter la France, historique 1er partenaire commercial du Maroc. 

Et les intérêts de l’Espagne au Maroc ne se limitent pas aux relations commerciales, ou de pêche (l’accord Maroc-UE profitant essentiellement aux bateaux espagnols). 

Il y a aussi la coopération sécuritaire où le Maroc excelle, qu’il a volontiers développée avec Madrid. Il y a la lutte anti-terroriste dont il maîtrise les ressorts comme nul autre dans la région et où Rabat a mis son savoir-faire et ses données en partage avec son voisin ibérique. Et il y a enfin le très important rôle de rempart contre l’immigration clandestine qu’assume le Maroc et sans lequel tous les migrants -non seulement du Maroc, mais de toute l’Afrique- auraient submergé l’Espagne… Puis l’Europe ! 

Tout cela, les gouvernements successifs des deux dernières décennies l’ont compris en Espagne. Il n’y avait pas assez de mots pour louer le partenariat maroco-espagnol, les qualités du partenaire marocain et l’attachement à ces relations privilégiées…

Le Maroc y a cru.

Il a coopéré sincèrement et entièrement.

Ce qu’il attendait de l’Espagne, en retour, elle, l’ex-puissance coloniale qui sait tout de la question du Sahara, c’était de l’honnêteté et de la sincérité dans le traitement de ce dossier qui est, pour le Maroc, le dossier de sa cause sacrée.  

Le choc, pour les Marocains, a été la réaction du Gouvernement Sanchez -et particulièrement celle de la ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya- au lendemain de la reconnaissance américaine de la Souveraineté du Maroc sur le Sahara.  

Cette réaction a démenti tous les propos encenseurs et lénifiants que l’Espagne servait aux responsables marocains. La Diplomatie marocaine a cependant préféré fermer les yeux, laisser passer… 

L’arrivée des États-Unis (et aussi d’Israël) au Sahara a clairement été perçue par le Gouvernement de Madrid comme une menace pour les intérêts espagnols dans cette zone qu’un rapport sécuritaire madrilène de ce mois de mai a qualifiée de «zone d’influence de l’Espagne et de la France». 

Ce qui est une erreur tactique de la Diplomatie espagnole. Le plus ingénieux –pour l’Espagne comme pour l’Allemagne ou la France- n’était pas de s’éloigner du Maroc au moment où des partenaires importants s’en rapprochaient et mettaient le pied au Sahara. C’était la décision inverse qui aurait dû prévaloir pour ne rien céder du terrain et être prêt à saisir de nouvelles opportunités…

Mme Arancha Gonzalez Laya, qui a fait un autre calcul, s’est empressée de se tourner vers le voisin de l’Est du Maroc, l’Algérie, dont le régime est le véritable instigateur et protagoniste du conflit du Sahara, en déroulant le tapis rouge à son homologue Sabri Boukadoum. Là non plus, il n’y a eu ni réaction, ni interprétation hâtive côté marocain, l’Algérie étant le pourvoyeur de Gaz de l’Espagne et le Gouvernement espagnol ayant tout à fait le droit d’entretenir ses relations commerciales… 

Mais là où tout a basculé, c’est lorsque le Maroc a appris l’accueil en Espagne du chef des séparatistes du Polisario, Brahim Ghali, sous la fausse identité de Mohamed Benbattouche, suite à un accord passé avec le Pouvoir algérien au plus haut niveau de l’Etat espagnol et dans le dos du Maroc ! 

La colère alors de Rabat et la demande pressante d’explications qui s’en sont suivies se justifient doublement. D’abord, le Maroc qui coopère en toute bonne foi avec l’Espagne, n’a pas compris que les autorités espagnoles pactisent, à son insu, avec les parties qui lui sont hostiles, dans le dossier le plus important à ses yeux, celui du Sahara. Et puis et surtout, il n’a pas compris qu’après ce «coup» que la Diplomatie espagnole explique par d’exceptionnelles «raisons humanitaires», cette dernière ne fasse rien pour rétablir la confiance avec son partenaire du Sud qu’elle dit «stratégique».

Bien au contraire, la ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, une économiste spécialisée dans les questions de commerce international qui n’a eu en charge la Diplomatie espagnole qu’en janvier 2020, continue d’aggraver la situation avec ses déclarations et prises de position jugées par l’opinion publique marocaine dédaigneuses et arrogantes.  

Sa persistance à nier toute l’illégalité qui entoure l’accueil du tortionnaire Brahim Ghali… Ses insinuations contre les autorités marocaines qu’elle accuse presque de mettre en danger la vie des enfants qui ont afflué à Ceuta… Sa convocation intempestive de l’ambassadeur marocaine en Espagne, Karima Beniaïch, pour quasiment intimer l’ordre au Maroc de continuer d’assurer ses fonctions de gendarme, contre l’immigration illégale, au profit de l’Espagne… Tout ceci n’allait bien évidemment pas apaiser la situation. 

Le Maroc a d’ailleurs aussitôt répliqué (mardi 18 mai) en rappelant son ambassadeur pour consultation.

C’est dire le point atteint par la crise !

Au Maroc, l’avis est unanime. 

Mme Arancha Gonzalez Laya finira bien par comprendre que le Maroc est un Etat souverain, qui doit être traité avec le même respect que celui avec lequel lui-même traite ses partenaires… Que le Maroc n’a pas vocation à servir les intérêts de ceux qui ne tiennent pas compte de ses intérêts à lui… Et que, contrairement à ce que disent les «Rapports» sécuritaires de Madrid, le Maroc n’est pas un pays dont il faut se méfier, tant que les relations reposent sur la confiance.

Il n’y a qu’une seule solution à la crise que traversent actuellement les relations de l’Espagne avec le Maroc: le retour à la confiance !

Mais ce n’est pas le Maroc qui a manqué de loyauté. Ce n’est donc pas à lui de rétablir cette perte de confiance dont il n’est nullement responsable. 

C’est donc à l’Espagne de voir… Et à sa si peu diplomate ministre des Affaires étrangères qui continue, par ses déclarations, d’attiser le feu. 

Pour certains observateurs, les déclarations qu’elle a faites à la Radio Nationale Espagnole, mercredi 19 mai, qualifiant le tortionnaire Brahim Ghali de «grand leader», ne sonnent pas seulement comme un défi lancé au Maroc, mais expriment sans doute une nouvelle crise de rage, au lendemain de l’entretien téléphonique qu’a eu le ministre des Affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita, avec son homologue américain, Antony Blinken, dans lequel ce dernier a loué le partenariat maroco-américain «solide» et «le rôle-clé du Maroc dans la promotion de la stabilité dans la région», ajoutant à propos du conflit israélo-palestinien: «Le Maroc est un partenaire stratégique et nous allons travailler ensemble pour mettre fin à ce conflit». 

Au lendemain, aussi, de la publication officielle par les Etats Unis (mardi 18 mai 2021), sur le website du Département d’Etat, de la déclaration tripartite Maroc-USA-Israël, signée en décembre 2020, comprenant la reconnaissance américaine de la Souveraineté du Maroc sur le Sahara. Ce qui signifie une validation de cette reconnaissance par l’Administration Biden.

No comment !     

Bahia Amrani

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