Une équipe de recherche internationale a mis en évidence, pour la première fois en Afrique, la présence d’une nouvelle espèce de dinosaure dans les gisements des phosphates du Maroc. Une découverte qui vient enrichir les connaissances sur la paléo-biodiversité et jeter la lumière sur l’importance des données paléontologiques du Maroc.
« Un fossile de dinosaure à bec de canard, aussi connu sous le nom de Ajnabia Odysseus, a été découvert au Maroc. Il a été sorti de terre dans une mine située non loin de Casablanca au sein d’une couche géologique qui date de 66 millions d’années », ont annoncé des chercheurs du Centre de Recherche en Paléontologie-Paris (Muséum national d’Histoire naturelle-CNRS-Sorbonne Université) de l’Université de Bath, de l’Université du Pays Basque et de l’Université George Washington, après avoir publié leur étude dans la revue Cretaceous Research.
Sur le chemin de l’Ajnabia odysseus
Les paléontologues estiment que ce dinosaure à bec de canard avait d’abord vécu en Amérique du Nord, puis en Asie via un pont terrestre entre les deux continents à cette période et enfin en Europe. Sa présence en Afrique était jusqu’ici inimaginable. « Ajnabia odysseus » était un dinosaure herbivore et faisait partie des emblématiques dinosaures à bec de canard qui atteignaient 15 mètres de long. Des caractères distinctifs au niveau des dents et des mâchoires de ce dinosaure montrent qu’il appartenait aux Lambeosaurinae, une sous-famille caractérisée par des crêtes osseuses de diverses formes sur le sommet du crâne.
L’analyse approfondie de la distribution biogéographique des Lambéosaures, dont les dinosaures à bec de canard, a montré qu’ils avaient évolué en Amérique du Nord, avant d’emprunter un pont terrestre vers l’Asie puis l’Europe. « A l’époque, l’Afrique était un continent insulaire séparé des autres continents par de vastes océans. Jusqu’à la découverte d’Ajnabia, il était inimaginable que des becs de canard soient sur ce continent. Leurs présences en Afrique pourraient être comparées à la découverte d’un éléphant en Australie ! », précise un communiqué du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), basé à Paris.
Ces dinosaures ont dû faire des centaines de kilomètres à la nage entre l’Europe et l’Afrique. Ils étaient probablement de bons nageurs comme le laissent supposer leurs grandes queues et leurs pattes puissantes. « Leurs restes se trouvent en effet souvent dans les dépôts fluviaux et, comme ici au Maroc, dans des sédiments marins. Dans cette étude, une distance de 500 km entre les deux continents a été évaluée ; c’est un exploit qu’aurait réalisé Ajnabia dont les restes trouvés au Maroc défient les règles de la distribution des faunes terrestres », souligne le MNHN.
« Cette découverte prouve que la barrière océanique n’était pas si infranchissable pour ce grand herbivore et qu’il a sans doute colonisé l’Afrique en faisant des centaines de kilomètres à la nage depuis le continent européen « , a expliqué le paléontologue marocain Nour-Eddine Jalil, professeur au MNHN, qui a participé à cette étude.