Les entreprises privées détenant des créances de crédits TVA pourront enfin être remboursées par voie d’affacturage. Une convention-cadre a été signée avec plusieurs banques, mais l’opération s’annonce moins évidente que prévu. Les détails.
C’est fait. Depuis lundi 5 février 2018, les formalités relatives au remboursement du crédit (arriérés) de TVA sont lancées. La direction générale des impôts (DGI), qui chapeaute l’opération, a expliqué lors d’une réunion d’information, tenue vendredi 2 février avec les entreprises membres de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), que les arriérés des sociétés éligibles allaient être remboursés et ce, au moyen d’un ciblage précis des ayants droit, ainsi que d’un échelonnage des remboursements selon un calendrier annuel. Une brise d’air frais inespérée qui viendra oxygéner enfin les caisses étouffées des entreprises et qui signe la plus grande opération d’assainissement des arriérés de TVA jamais réalisée au Maroc. Lesquels arriérés portant sur les crédits prévus par les articles N° 103 et N° 103 Bis du Code général des impôts, équivaudraient à quelque 10 milliards de dirhams au total. Seulement, sur quoi se base cette éligibilité? Et quel est le mécanisme retenu pour effectuer les remboursements? La DGI précise, d’emblée, que toutes les demandes de remboursement ne seront pas prises en considération. Seules celles qui répondent à certains critères établis par ses soins et qui concernent les arriérés antérieurs au quatrième trimestre 2017 inclus, le seront.
1 – L’Etat rembourse… ou presque
Promis puis annulé, reporté, ajourné… Puis promis encore une fois. Le remboursement des arriérés de TVA est un long feuilleton riche aussi bien en rebondissements qu’en déceptions. Mais cette fois-ci semble être la bonne. Le ministère de l’Economie et des Finances et la DGI se disent déterminés à assainir les crédits empilés depuis des décennies et qui constituent pour plusieurs entreprises nationales (les TPME et les PMI en particulier) un moyen de rebond financier qui leur permettra d’éponger leurs dettes et de reconstituer leur assise financière, afin d’accélérer leur croissance et, pour nombre d’entre elles, éviter tout simplement la banqueroute.
Lors des premières séances de travail, la DGI avait mis en avant l’option de cession des créances comme solution de remboursement. Mais celle-ci a vite été écartée, puisqu’elle s’éloignait des dispositions prévues par la loi et, de surcroît, coûtait plus cher. Par la suite, l’affacturage s’est imposé comme une solution crédible, incluant dans le procédé les banques conventionnées à qui incombera la tâche d’acheminer les créances dues aux créanciers, moyennant une commission de 3,5% supportée par ces derniers.
2 – Les banques entrent en jeu
Le 24 janvier 2018, le ministère de l’Économie et des Finances a procédé à la signature d’une convention-cadre avec plusieurs banques de la place, dont le Groupe Banque Populaire, Société Générale Maroc et Crédit du Maroc. Par la suite, la DGI a communiqué la procédure d’application détaillée, relative au crédit TVA, sur la base de laquelle les banques ont concocté des solutions de remboursement par factoring. Le coût des opérations a été fixé à 3,5% hors taxes et par an et les banques se sont organisées, depuis le 5 février, de manière à ce que les demandes de remboursement soient traitées de façon fluide, en réciprocité constante avec les DRI (sous le contrôle de la DGI), pour que les montants avancés concordent avec les attestations demandées.
3 – La procédure à suivre
Tout d’abord, la DGI précise que cette démarche est volontaire et n’oblige aucunement les créanciers à subir les contraintes connues de l’affacturage. Ceci étant, ce choix est donné à des entreprises qui attendent désespérément depuis des années, dans l’incertitude totale. Elles s’en contenteront sûrement. Mais, ont-elles toutes la qualité d’ayant droit ? Pour le savoir, elles devront s’adresser à l’une des banques signataires de la convention-cadre. Une lettre d’intérêt consignée par l’entreprise créancière et la banque désignée est envoyée à la DRI de laquelle l’intéressée dépend. A la réception de cette lettre, la DRI confirme ou infirme le montant avancé. Elle établit, ensuite, une attestation comportant le montant exact des crédits TVA à rembourser à l’entreprise dépositaire et y appose l’accord du ministère de tutelle. Elle y note également l’échelonnement de la créance TVA sur la ou les périodes retenues pour les remboursements et y adosse un contrat d’affacturage à signer conjointement par l’entreprise et la banque. C’est une opération qui se fait, à l’évidence, au cas par cas et qui adapte l’échéancier aux montants réclamés.
4 – Qui décide de quoi?
Une fois la décision notifiée par la DRI à la banque de remboursement, celle-ci procédera au versement du montant de la créance au profit de l’entreprise et à la signature de la quittance subrogative. Cela dit, les dates de valeur revêtent une importance capitale. C’est pour cela que la DRI devra être informée par la banque du déblocage des fonds, qui devra envoyer, sans délai, une copie de la quittance. Ce n’est qu’une fois ce travail effectué que les versements pourront avoir lieu, conformément à l’échéancier fixé.
5 – Le remboursement en question
La DGI prévient que les opérations ayant l’année 2018 comme date de valeur sont exclues. Seules les demandes de remboursement antérieures au quatrième trimestre de 2017 (inclus) seront acceptées. Par contre, les entreprises éligibles disposent à peine d’un mois et demi pratiquement pour déposer leurs demandes, étant donné que le versement des échéances dues par le ministère de l’Economie et des Finances à la banque chapotant l’opération se fera au 31 mars de chaque année et, ce sur les 5 prochains exercices. La première échéance, en l’occurrence le 31 mars 2018, verra ainsi le versement effectif des remboursements dus et ce, peu importe la date à laquelle l’accord de la DGI et de la banque a été obtenu. Cette date fera ainsi office de rendez-vous annuel, auquel les entreprises se feront rembourser leurs arriérés de TVA. Par ailleurs, s’agissant des déblocages intervenus fin mars, la date du 28/03 a été retenue comme dernier délai pour effectuer les déblocages tardifs. Cela veut dire qu’à la date du 28/03/N, les déblocages validés seront sanctionnés d’un versement effectif le 31/03/N. Au-delà de cette date, l’opération sera reportée à l’exercice suivant, soit au 31/03/N+1. Aussi, la banque doit faire parvenir à l’administration fiscale les justificatifs des déblocages à leurs dates effectives, au moment de leur réception. Il va sans dire que, pour les remboursements prévus au 31 mars 2018, les dossiers doivent être déposés dès maintenant!
Mehdi Mouttalib