De Discord à la discorde : Gen Z apolitique… ou presque

Manifestation pacifique GENZ à Casablanca - Soufiane Benkhadra
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Depuis le 27 septembre, des vagues de contestations, portées par la jeunesse marocaine dans les rues de plusieurs villes du Royaume, ont fait le tour du monde. Un mouvement nommé GENZ 212, qui fait référence à la génération Z et au 212, l’indicatif téléphonique marocain (+212), s’organise activement sur la plateforme la plus prisée par les Gamers: Discord. Leurs revendications: la santé, l’éducation, la lutte contre la corruption et la dissolution du gouvernement en place.

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De grandes mobilisations pacifiques ont eu lieu dans les rues des grandes villes comme Rabat, Casablanca, Oujda. Seulement quelques jours après, plusieurs autres villes ont suivi pour exprimer leurs voix claires : l’accès aux soins médicaux, une éducation publique de qualité, et une justice sociale.

Un rejet des partis politiques assumé par la jeunesse

Dans les rues comme sur les réseaux sociaux, les jeunes expriment un grand rejet de la chose politique du pays et ce, depuis des années. Aucune confiance et un taux de vote très faible des jeunes. Les partis politiques, pour les jeunes GEN Z ou Millennials (génération avant la Z), sont considérés comme tous corrompus et inefficaces. Des millions de Marocains ne votent pas, et parmi eux, une très grande majorité de jeunes. « Ils sont tous les mêmes », « voter ne sert à rien », « les voix s’achètent à 200 dirhams » : ces phrases reviennent avec insistance dans les discussions en ligne et dans la rue.

Pacifisme puis révolte après les dispersions des autorités

Depuis la Constitution de 2011, le droit de manifester, la liberté d’expression et le droit d’organiser des rassemblements publics pacifiques ont été plus que garantis pour les citoyens. Cependant, il est important de savoir que l’organisation de sit-in est encadrée par la loi : toute manifestation sur la voie publique doit être déclarée à l’avance aux autorités compétentes et ce, au moins trois jours avant. Cette obligation tend à garantir l’ordre public, mais elle est souvent critiquée par la société civile, notamment les associations et les syndicats. C’est en partie ce qui a alimenté les tensions entre les jeunes et les forces de l’ordre durant les trois jours qui ont suivi la première sortie dans les rues.

Lors des premières journées de manifestations pacifiques, il y a eu plusieurs arrestations par les forces de l’ordre. Les autorités ont considéré la sortie des jeunes dans la rue comme non réglementaire, au motif qu’au Maroc, il faut une autorisation préalable pour se rassembler dans l’espace public.

Après les premières arrestations, filmées en live sur les réseaux sociaux, la tension est montée d’un cran. Dans certaines villes, des jeunes s’en sont pris à des institutions publiques et privées, poussant les forces de l’ordre à intervenir plus fermement. Comme par exemple à Leqliâa, dans la région d’Agadir, un poste de la Gendarmerie royale a été pris pour cible lors d’affrontements, causant des dégâts matériels importants. Les gendarmes étaient obligés de se servir de leur arme de fonction. Bilan : trois décès. Aussi, à Oujda, un tragique incident est survenu après une panique du côté sécuritaire et d’un jeune dans la rue, de nuit, lui coûtant une amputation des deux jambes après qu’une estafette de police l’a percuté. D’autres villes ont été le théâtre de fortes tensions.

Un gouvernement pas réactif

Face à cette situation, les Marocains ont vite fait preuve de solidarité sur les réseaux sociaux. Des appels au pacifisme se sont lancés, afin de ne pas oublier le message et les demandes lors des rassemblements. Après quatre jours de manifestations avec des hauts et des bas, la tension montait et descendait comme un baromètre. La réaction du gouvernement d’Aziz Akhannouch se faisait attendre, après quatre jours de heurts, arrestations, dégâts, blessés et trois morts.

Le 30 septembre, une réunion d’urgence a été convoquée par la présidence de la majorité gouvernementale, puis une réponse, jugée par l’opinion publique et les jeunes comme une langue de bois bien qu’elle affirme la compréhension des revendications. Le communiqué a mentionné que la majorité se préparait à la rentrée parlementaire, en oubliant que le vrai problème actuel, c’est la révolte des jeunes contre la politique générale dans le pays. Aucun mot n’a suffi à recréer la confiance.

Et pourtant, les jeunes sont revenus à la raison. Après une semaine de pacifisme, d’affrontements, de douleurs et de dégâts, le message de paix a repris le dessus. Sur les réseaux sociaux, les appels à la non-violence se sont multipliés, sans pour autant oublier les premières revendications. À Tanger et Rabat, un calme a été remarqué du côté des autorités : les forces de l’ordre ont accompagné les manifestations sans arrestations ni dispersions. Mais, les manifestations continuent…

Une culture politique modeste

Comme entendu et lu plusieurs fois sur les réseaux, la génération Z réclame haut et fort la démission du Chef du Gouvernement actuel, Aziz Akhannouch. Les jeunes appellent le Roi Mohammed VI à intervenir face à cette crise. Dans ce vide politique, certains cherchent à proposer une autre alternative. Rachid Achachi, anthropologue et économiste, a à travers son compte Instagram fait une annonce inattendue mais qui vient à un moment opportun : celle de fonder un nouveau parti politique qui rompt avec les partis politiques fossilisés. Il veut porter la voix des jeunes en adoptant une voie alternative pour faire de la politique. Mais sa démarche reste hypothétique : la majorité des jeunes restent sourds à toute offre politique formelle, n’ont pas de vraie culture politique et n’ont jamais eu confiance en les politiciens. Pour rappel, une tentative similaire avait vu le jour en 2019 avec le collectif «Ma’an», mais s’est rapidement éteinte.

Ismaïl Saih

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