Toute la lumière n’a pas encore été faite sur l’utilisation des subventions ayant profité au Plan Maroc Vert concernant les viandes rouges. A l’Union Générale des Entreprises et Professions (UGEP), qui fédère des Associations et des Fédérations représentant le secteur de l’élevage et des viandes rouges, on réclame la création d’une Commission d’enquête parlementaire pour se pencher sur le sujet et sur la crise sans précédent qui sévit dans le secteur des viandes rouges.
Alors que l’annonce Royale de l’annulation du rituel sacrificiel suscite un soulagement parmi les familles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, à cause de la flambée des prix des denrées de première nécessité, y compris la viande rouge, des professionnels estiment que la décision a permis d’éviter une hausse des prix qui aurait atteint cette année des niveaux records.
«Si le sacrifice n’était pas annulé, on allait dépasser cette année 300 dirhams le kilogramme», déclare Mohamed Dahbi, SG de l’Union Générale des Entreprises et Professions (UGEP), laquelle fédère des Associations et des Fédérations représentant le secteur de l’élevage et des viandes rouges.
Le SG pointe certains acteurs d’être derrière cette flambée des prix. Selon lui, des milliers de têtes d’ovins ont été importées, mais certains opérateurs auraient gardé ces bêtes chez eux dans l’objectif de spéculer sur les prix, affirme-t-il, appelant le gouvernement «à corriger les erreurs qui ont entaché ce dossier d’importations devant normalement stabiliser les prix».
Pour notre interlocuteur, la décision d’annulation du sacrifice était prévisible depuis l’année dernière. «Au moment où des voix au ministère affirmaient l’année dernière qu’il y avait la disponibilité des ovins pour le rite sacrificiel, il y avait un manque très important du nombre de têtes de bétail et une baisse significative des effectifs du cheptel. On n’en trouvait d’ailleurs pas sur le marché. A l’UGEP, on avait souligné que s’il y avait le sacrifice, il y aurait un effet à la hausse sur les prix. D’ailleurs, après Aïd Al Adha, les prix avaient dépassé 150 dirhams le kilo», explique-t-il.
Evoquant une crise sans précédent qui sévit dans le secteur des viandes rouges, le SG de l’UGEP réclame la création rapide d’une Commission d’enquête parlementaire pour ouvrir une enquête sur cette crise. Car, dit-il, «c’est une vrai crise que nous vivons au Maroc, que ce soit pour les viandes rouges, le poisson ou encore les œufs. Le prix arrive au consommateur à des niveaux très élevés à cause d’un lobby. Il est temps de rendre des comptes et qu’un débat public soit ouvert, en toute transparence, par le Parlement sur les résultats du Plan Maroc Vert».
Toute la lumière n’a pas encore été faite sur l’utilisation des subventions ayant profité à ce Plan concernant les viandes rouges, dit-il. L’anomalie est ahurissante : on a consacré des milliards de dirhams au plan Maroc Vert concernant les viandes rouges. Mais le fait est que ce qui a été prévu dans les contrats-programmes de ce plan n’a pas été mis en œuvre. On n’a pas apporté des solutions concrètes à la filière. Les prix ont continué de flamber et l’effectif du cheptel a régressé, déplore le SG de l’UGEP.
Le Maroc, rappelle-t-il, comptait 20 millions de têtes d’ovins. «On avait une disponibilité. Et chaque année, il restait même un surplus de 3 millions. Mais où est donc passé tout ce cheptel. C’est là la question qui se pose», s’interroge notre interlocuteur.
Par la voix de son SG, l’Union plaide aussi pour la tenue d’une Assemblée Générale exceptionnelle de la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (FIVIAR). «Cette Fédération est en arrêt depuis maintenant trois ans. Personne ne parle de son devenir. Or c’est cette Fédération qui a été chargée de mettre en exécution le programme concernant les viandes rouges. On veut savoir où sont partis les milliards de dirhams ayant été alloués à ce programme», souligne Mohamed Dahbi, appelant au passage à ce que le dossier de la FIVIAR soit remis à la Cour des comptes.
Bien que l’annulation du sacrifice de l’Aïd joue un rôle important dans la baisse des prix et la préservation du cheptel, notre interlocuteur estime que des actions rapides doivent être entreprises par le gouvernement. «Il est nécessaire de soutenir les petits éleveurs qui sont les plus touchés et qui vivent actuellement une situation très difficile», précise le SG. Et de poursuivre: «C’est l’absence de réactivité de la part du gouvernement qui a aggravé d’ailleurs cette situation difficile pour ces petits éleveurs, lesquels, en réalité, approvisionnent le marché marocain».
Depuis 2019, dit-il, ces acteurs sont passés par plusieurs difficultés. D’abord il y a eu le boycott des produits laitiers en 2019, ce qui avait poussé beaucoup de petits éleveurs à vendre leurs vaches aux abattoirs. Ce boycott a causé la réduction du cheptel des vaches laitières de 60%». Puis, il y a eu la sécheresse et la pandémie liée au Covid-19 et leur impact sur l’activité des petits éleveurs, rappelle encore notre interlocuteur, soulignant au passage que quelque 950.000 petits éleveurs se sont évaporés en raison de la crise.
Les explications de la FMAFE…
A la Fédération marocaine des acteurs de la filière élevage (FMAFE), on souligne que les importateurs membres de cette fédération auraient été victimes d’informations erronées sur les raisons de la hausse des prix. Ce qu’il faut savoir, déclare le Président de cette Fédération, Mohamed Jabli, «c’est que les prix sont élevés sur le marché international. Les ovins que nous avons d’ailleurs importés dernièrement de l’Espagne ont coûté 120 dirhams au kilogramme».
Après l’annulation du sacrifice, il y a eu certes une diminution des prix, affirme-t-il. Mais, poursuit-il, «notre crainte c’est que les importations d’ovins vont s’arrêter, alors que nous n’avons pas encore un cheptel de reproduction stable avec lequel nous arriverions à satisfaire la demande nationale. C’est d’ailleurs cette situation qui a conduit à l’importation d’ovins et de bovins depuis déjà cinq ans pour mieux approvisionner le marché national, ajoute la même source.
Pour le président de la FMAFE, la crainte c’est qu’après deux ou trois mois, il y ait exploitation du stock d’ovins qu’il y a encore aujourd’hui. «Les éleveurs vont préférer écouler la viande et les têtes dont ils disposent sur le marché, même à un prix bas, puisque le rite sacrificiel a été annulé. On ne trouvera plus des ovins sur le marché, et donc les prix vont encore augmenter», explique-t-il, soulignant que des mesures d’accompagnement doivent être mises en place en faveur des éleveurs ayant préparé leurs cheptels pour l’Aïd, afin de leur permettre de compenser les pertes prévues.
N Cherii