Effondrement de l’immeuble de Bourgogne :Des élus dénoncent un large système de corruption et réclament une enquête généralisée

L’immeuble écroulé jeudi 23 mai au quartier de Bourgogne à Casablanca serait-il l’arbre qui cache la forêt ? Des élus montent au créneau et demandent une enquête généralisée sur tous les travaux qui avaient été effectués – sans autorisation- dans des restaurants se trouvant sur le même site. Ils dénoncent un large système de corruption.

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Les détails.

L’effondrement la semaine dernière d’un immeuble de cinq étages Sis Derb Loubila au quartier de Bourgogne à Casablanca est encore dans tous les esprits. Les images de l’écroulement, qui ont circulé sur la toile, ont rappelé aux habitants de ce même quartier une autre tragédie qui avait causé des dizaines de morts et de blessés en 2014.

L’incident aurait été une tragédie mais fort heureusement, aucun mort n’est à déplorer dans ce nouvel effondrement. Mais 25 familles se retrouvent malheureusement sans foyer après l’effondrement de l’immeuble qu’elles occupaient pendant plusieurs années.

Des sources concordantes expliquent le sinistre par des travaux qui ont touché les supports et les piliers d’un restaurant (snack) situé au rez-de-chaussée. Elles soutiennent que l’un des ouvriers avait retiré l’un des piliers. Tout de suite après, ce même ouvrier, qui avait remarqué des entailles angoissantes dans le bâtiment, était sorti à l’extérieur pour en alerter les habitants.

Averties, les autorités ont procédé, quelques heures seulement plus tôt, à l’évacuation des habitants du bâtiment concerné et des immeubles mitoyens et commerces avoisinants, ce qui a sauvé environ une centaine de personnes d’une mort certaine, précisent encore les mêmes sources. Selon celles-ci, le bilan aurait été très lourd. «Deux heures avant l’effondrement, il y avait une centaine de clients, dont des touristes, dans les deux restaurants qui se trouvent juste à côté de l’édifice écroulé. Le propriétaire de l’un des deux restaurants a même été touché à la tête. On lui a fait 28 point de suture», indiquent nos sources.

L’affaissement de l’édifice a engendré l’effondrement partiel d’un autre immeuble mitoyen, lequel est actuellement en expertise concernant sa stabilité, indique-t-on. A la préfecture d’arrondissement de Casablanca, on indique que des investigations ont été entamées, sous la supervision du parquet compétent, pour dévoiler les circonstances et les raisons qui ont conduit à cet écroulement.

Mécontentement, réactions et anomalies

Quels travaux étaient envisagés dans l’immeuble Sis Loubila? Le propriétaire du restaurant a-t-il déposé une demande d’autorisation à la commune ? Quelles sont les procédures suivies pour entamer les travaux? Pourquoi, les services de l’urbanisme de la commune ne se sont pas déplacés sur les lieux dès le début des travaux? À qui incombe la responsabilité? Aurait-on pu éviter la catastrophe? Bref, autant de questions qui restent en tout cas en suspens en l’absence d’une réponse officielle de la commune concernant cet incident. Un incident qui a suscité mécontentement et réactions, notamment contre la commune et les autorités compétentes, accusés de fermer les yeux sur les travaux.

La commune est aussi critiquée de ne pas avoir réagi à des alertes émises sur l’état inquiétant de la construction. Ce que confirment aussi nos sources à la commune de Sidi Belyout. Elles affirment en effet qu’une plainte avait été déposée il y a déjà environ sept ans avertissant que le bâtiment montrait des fissures pouvant menacer sa stabilité, «mais cette plainte avait été ignorée», concèdent nos sources, ajoutant que certaines familles s’étaient également plaintes il y a quelques mois, «mais personne ne les a écoutées». Certaines informations parlent, elles, de plaintes contre des travaux effectués dans les cafés avoisinants, «sans que personne ne réagisse». On aurait donc pu éviter la catastrophe si on avait pris en compte toutes ces plaintes, lance, non sans colère, un associatif au quartier de Bourgogne. L’un des architectes approché cette semaine affirme: «La commune n’est pas la seule responsable. Il y a aussi la préfecture qui n’est d’ailleurs pas très loin du lieu du drame. Pourquoi, les services préfectoraux ne sont pas venus voir ce qui s’y passait dès le début des travaux ?».

Autre anomalie, l’immeuble effondré avait fait l’objet d’une demande d’autorisation des travaux, déposée auprès de la Commune de Sidi Belyout deux jours seulement avant le drame, selon des sources concordantes à la commune, précisant que celle-ci n’avait pas encore donné de réponse à cette demande.

D’après nos informations, la demande d’autorisation des travaux portait sur des petites réparations au sein de l’immeuble mais pas de destruction.  Nos sources à la commune affirment que les travaux s’effectuaient dans l’immeuble depuis près de deux mois sans aucune autorisation.

Autre anomalie. «Les travaux ayant été engagés dans le restaurant ont été mal exécutés. Ils ont été effectués de manière non professionnelle par des ouvriers qui n’ont aucune compétence en la matière, ce qui a touché à la stabilité des fondations», dénoncent nos sources. «Comment expliquer que les travaux soient lancés depuis plusieurs semaines sans même qu’il y ait une autorisation», s’interroge un architecte. Concrètement, précise-t-il, si le propriétaire d’un bâtiment veut entreprendre des travaux de réparation (murs, toitures, fenêtres, etc), il doit suivre une procédure particulière pour obtenir une autorisation de travaux. Il commence par un dépôt de dossier auprès des services de l’urbanisme à la commune. Ces derniers vérifient que le dossier est complet avant de transmettre la réponse à l’intéressé, explique encore notre interlocuteur.

Pour cet immeuble, rien de cela n’aurait été fait. Selon nos sources, tout était illégal et aucune commission de contrôle en bonne et due forme n’aurait pu valider de tels travaux. Quoi qu’il en soit, il appartiendra à la justice de déterminer les responsabilités des uns et des autres.

La police judiciaire mène actuellement les investigations nécessaires. Selon nos sources proches du dossier, la police judiciaire aurait entendu les familles de l’immeuble en question et demandé aux services de la commune de Sidi Belyout de lui délivrer les plans du bâtiment effondré. Mais nos informations à la commune confient que «la police aura des difficultés à avoir ces plans, puisqu’il n’y en a pas, tout simplement !»

L’arbre qui cache la forêt !

L’immeuble écroulé la semaine dernière sis derb Loubila au quartier de Bourgogne serait-il l’arbre qui cache la forêt? Alors que la police judiciaire mène une enquête sur cette affaire pour révéler les circonstances, des élus à l’arrondissement de Sidi Belyout montent au créneau et demandent une enquête généralisée concernant tous les travaux qui avaient été effectués dans les restaurants se trouvant sur le même site.

«Les investigations et les recherches de la police doivent porter également sur les restaurants se trouvant sur le même site», disent nos interlocuteurs d’élus. Selon ces derniers, ces établissements n’ont fait l’objet d’aucune autorisation de transformation, de démolition ou de reconstruction. «Les propriétaires de ces lieux avaient lancé des travaux pour transformer leur café en restaurant. Ils ont démoli, reconstruit et entrepris plusieurs changements sans aucune autorisation. Ce qui avait d’ailleurs provoqué le mécontentement des populations riveraines qui avaient déposé des plaintes contre les menaces des travaux ayant été effectués. Mais sans que leur plaintes soient prises en compte», témoignent ces mêmes élus de la majorité.

Ces derniers demandent aussi que la police judiciaire lance une enquête sur les déclarations de l’élu Youssef Boukhachba, président de la commission de l’urbanisme et de l’environnement à l’arrondissement de Sidi Belyout. Celui-ci avait déploré, lors d’une session de la commune il y a quelques mois, «une protection dont bénéficient les propriétaires de ces restaurants», ajoutant que ceux-ci, ont fait de grandes modifications dans ces établissements sans aucun permis délivré par la commune, précisent nos sources.

Dans une vidéo, parvenue à Le Reporter, le conseiller Youssef Boukhachba a en effet interpellé la présidente de la commune sur le sujet, demandant le déplacement de la police administrative sur les lieux pour contrôler les violations qu’il avance dans les restaurant en question.

Qui a fermé les yeux sur les travaux effectués dans ces restaurants ? La question est en tout cas posée et suscite la colère de nos sources, lesquelles déplorent que des lobbies ont des passe-droits et arrivent à faire ce qu’ils veulent dans l’impunité totale et sans passer par les circuits réglementaires qu’on impose à d’autres, comme l’a d’ailleurs souligné le président du Conseil de l’Ordre des Architectes de la Région Centre, Karim Sbai dans une interview accordée cette semaine à Le Reporter.

Pour les élus que nous avons approchés, la police judiciaire doit pousser ses investigations plus largement que cela pour savoir qui a permis les travaux dans ces restaurants. Lesquels, à l’origine, étaient de simples «petits cafés» qui livraient à leurs clients le thé et le café. Mais ils ont été transformés en restaurants, indiquent les mêmes sources, qui dénoncent un large système de corruption.

«Ces gens ont fait de grandes modifications et ont fait tomber des murs. Tous ces travaux nécessitaient pourtant une autorisation en bonne et due forme qui devait leur coûter environ 40 mille dirhams. Mais au lieu de cela, ils ont eu une simple «décision taxée» à seulement 500 Dirhams. Cette décision n’autorise en fait que de petites réparations. Si on veut qu’il y ait une vraie enquête c’est par ces restaurants qu’il faut commencer», soulignent nos interlocuteurs. Selon ces derniers, «ces projets sont un vrai business».

«Chaque jour, ces établissements reçoivent aujourd’hui entre 100 à 150 touristes. C’est ce qui a d’ailleurs poussé le propriétaire de l’immeuble effondré à faire la même chose et entreprendre de gros travaux dans son snack pour le transformer en restaurant», disent-ils.

Les mêmes élus alertent enfin que cet appétit aiguisé de plusieurs autres cafés devrait encore ravager plusieurs cafés qui seront transformés en restaurants, au lieu d’être entretenus et sauvegardés.

Naîma Cherii

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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