Et si les abattoirs agréés de Casablanca étaient en infraction à la loi et en violation aux normes requises dans l’abattage ? Dans un courrier adressé à l’ONSSA, l’Association nationale des chevillards révèle en tout cas des lacunes et des infractions à la loi dans les abattoirs de Casablanca qui livrent des viandes de manière immédiate et en n’étant soumises ni au contrôle ni à l’étape de ressuage.
Une ambiance morose plane sur les abattoirs de Casablanca. Plusieurs professionnels, n’appréciant plus la situation dans cet établissement, ne décolèrent pas. Au centre de leur colère, des irrégularités et des infractions à la loi qui, selon eux, accompagneraient l’abattage des animaux dont les propriétaires sont les anciens usagers des abattoirs fermés, en 2019, dans les communes rurales de Tit Mellil, Sidi Hajaj, Mediouna et Bouskoura, à cause de leur situation catastrophique. En attendant la réalisation d’abattoirs agréés dans ces localités, les professionnels devaient déplacer leur activité d’abattage vers les Abattoirs communaux agréés de Casablanca.
Une circulaire de l’ancien wali, Said Ahmidouch avait accordé des facilités pour encourager le transfert de quelques 750 usagers des tueries en question vers les installations de Casablanca pour y abattre leurs bêtes. Ce transfert n’était pas passé sans heurts avec les professionnels du secteur qui avaient contesté cette décision, laquelle continue d’ailleurs de mettre en émoi les chevillards de Casablanca qui estiment la mesure illogique.
Les informations qui filtrent pour l’heure sur les raisons de leur colère assurent que les anciens usagers des abattoirs fermés dans la périphérie de la métropole approvisionnent le marché casablancais en viandes rouges ne respectant pas les normes requises que doivent en principe respecter l’ensemble des chevillards. Des informations qui sont confirmées par plusieurs sources concordantes.
Dans les détails, on reproche à ces viandes le fait qu’elles soient livrées le même jour sans qu’elles soient soumises à l’étape de ressuage ni au contrôle de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaire (ONSSA), affirme Abdelali Ramou, SG du bureau syndical des chevillards, affilié à l’Union générale des entreprises et professions (UGEP).
Il explique : «Normalement, les viandes ne doivent sortir des abattoirs que lorsque leur température atteint 7 degrés Celsius, au lieu de 25 degrés au moment de l’abattage. Elles doivent rester dans la chambre froide de ressuage pendant 24 heures avant d’aller chez les bouchers. Mais cela ne se fait pas avec les viandes des anciens usagers des tueries».
Plus grave encore. La même source alerte aussi que depuis un certain temps déjà, ces derniers ne viennent plus aux abattoirs. «Ils ont passé les codes qu’ils utilisaient pour entrer aux abattoirs de Casablanca à d’autres personnes qui, elles-aussi, profitent des mêmes facilités pour l’abattage de leurs bêtes, en continuant d’écouler des viandes ne respectant pas les normes sanitaires à Casablanca», affirme le SG du bureau.
Une chose est certaine. Le sujet ne manque pas de secouer les professionnels des viandes rouges à Casablanca, lesquels, depuis quelques jours, enchainent les réunions. Le dossier devrait encore faire parler de lui dans les tout prochains jours. En effet, les chevillards ont décidé de mettre le dossier entre les mains du wali Mohamed Mhidia. D’ailleurs, une demande vient d’être déposée dans ce sens à la wilaya de la région de Casablanca-Settat, avec pour objectif de relancer avec le wali le débat sur bon nombre des difficultés des chevillards, fait savoir Abdelali Ramou. Et pas seulement. Dans une déclaration à Le Reporter, celui-ci déplore des conditions de travail difficiles dans les abattoirs ainsi que des irrégularités ayant entaché la gestion des abattoirs de Casablanca.
Abdelali Ramou, également président de l’Association nationale des chevillards (ANC), a indiqué ce mercredi 28 février que l’ANC a aussi interpellé ce mardi 27 février le directeur régional de l’ONSSA via un courrier, dont Le Reporter détient copie. Dans cette lettre, l’Association révèle des lacunes et des infractions à la loi dans les abattoirs de Casablanca qui livrent la viande de manière immédiate et en n’étant soumises ni au contrôle ni à l’opération de ressuage, est-il souligné. «Ces viandes sont commercialisées à Casablanca, y compris la viande de brebis importée d’Espagne et qu’on fait passer pour une viande d’ovins», est-il précisé.
Aussi, une réunion avec la présidente du Conseil de Casablanca, Nabila Rmili a été organisée, mercredi 14 février, pour examiner la situation dans les abattoirs de Casablanca. Une information qui nous a été confirmée par Mohamed Dahbi, SG de l’UGEP. Selon lui, la principale revendication était surtout d’annuler la circulaire de l’ancien wali et d’arrêter les abattages qui ne passent pas par le Ressuage. Notre interlocuteur déclare à Le Reporter que la présidente Nabila Rmili a promis d’intervenir auprès du wali Mhidia, pour la diffusion d’une nouvelle circulaire qui mettra un terme à tout abattage ne respectant pas les normes sanitaires. Notre interlocuteur, qui assure qu’à ce jour rien n’est encore fait pour résoudre le problème, ne mâche pas ses mots. «Après la fermeture de plusieurs tueries dans les environs de Casablanca, on a voulu régler un problème social en autorisant les anciens usagers de ces installations à déplacer leur activité dans les abattoirs de Casablanca. On a favorisé le volet social mais on a délaissé le volet sanitaire», insiste le SG de l’UGEP, ajoutant que «80% des viandes commercialisées sur le marché casablancais proviennent de ces viandes ne respectant pas les normes exigées dans l’abattage».
Autre insuffisance relevée par notre source concerne notamment le transport des viandes. «Les défaillances enregistrées concernent aussi le non-respect des principes hygiéniques de base dans le transport des viandes. On met dans le même véhicule des viandes à 25 degrés Celsius avec d’autres à 7 degrés Celsius. Ce qui risque des contaminations microbiennes de la viande. Plus encore, dans la salle de stockage des viandes, on met les viandes qui sont passées par la chambre de ressuage avec celles qui n’ont pas été soumises à cette étape», a déploré le SG de l’UGEP. Celui-ci a indiqué que les chevillards sont rentrés, il y a deux mois, en contact avec l’ONSSA, du fait que l’Office a pour tâche de procéder à l’inspection ante mortem des animaux vivants avant leur abattage et l’inspection post-mortem (après abattage). «Les responsables de l’ONSSA ont reconnu que tout abattage ne respectant pas les normes requises sont illégales et inadmissibles. Malheureusement, il y a cette circulaire qui accorde des facilités à ces gens», indique notre interlocuteur. Un dossier à suivre.
Naîma Cherii