Décidément, l’abattage clandestin de la cédraie dans les forêts du moyen Atlas à Midelt ne finit pas de faire parler de lui. Il ne se passe pas un jour sans que ce problème ne soit abordé dans cette région, que ce soit au sein des populations riveraines de ces forêts ou encore sur les réseaux sociaux.
Depuis quelques jours, une affaire d’exploitation illégale des ressources forestières défraie la chronique dans la forêt de Tikajiouine dans la commune de Sidi Yahya Youssef.
Des sources proches du dossier précisent que des procès-verbaux des Eaux et Forêts auraient été dressés en 2019 et que, un mois seulement avant le départ du garde forestier qui a établi les PV, les dossiers ont été transférés au tribunal de première instance de Midelt.
Dans les détails, ces mêmes sources soulignent que selon ces procès-verbaux, trente cinq personnes du village Tikajiouine sont mis en cause dans cette affaire pour vol de cèdre et abattage illégal de la cédraie unique au monde classée patrimoine universel.
La première audience de cette affaire, actuellement entre les mains de la justice, devait se tenir lundi 5 juin 2023, mais elle a été reportée au 17 juillet pour permettre aux accusés de désigner un avocat, selon les mêmes sources.
Celles-ci tiennent à signaler que la zone forestière de Tikajiouine a été ces dernières années le théâtre de grandes opérations de coupes illicites du cèdre. Ce qui s’est passé dans cette zone forestière n’est «que l’arbre qui cache la forêt», fait constater, de son côté, un associatif de l’environnement.
C’est l’un des points noirs où l’abattage clandestin du cèdre a atteint des sommets au cours de ces dernières années, déplore-t-il. «Une bande de coupeurs de bois s’y activait en toute impunité tout au long de ces dix dernières années», souligne cet associatif.
Celui-ci pointe au passage une tribu, Ait Soukhmane, où, dit-il, vivent des bandes organisées qui s’adonnent à l’abattage illégal du cèdre, en particulier dans la zone forestière de Tikajiouine. «Beaucoup de gens membres de cette tribu ont déjà été envoyés en prison pour abattage illégal de la cédraie. Ils n’hésitent pas à utiliser des armes à feu pour défendre leur business illicite !», dit encore cet associatif.
Ce militant associatif, qui a requis l’anonymat, s’interroge sur le pourquoi et le comment de la permissivité qui aurait accompagné le colportage des quantités importantes de bois, le cèdre ayant disparu de cette zone en dix ans. D’autant plus que le transport du bois est soumis à une réglementation très stricte, dit cet associatif.
Alors que les services des Eaux et Forêts assurent que «toutes les dispositions ont été prises pour protéger la forêt et que des procès-verbaux sont dressés contre les contrevenants», les populations de Tikajiouine ne décolèrent pas.
«Nous n’avons pas cessé d’envoyer des lettres aux autorités au sujet de l’exploitation illégale dans la forêt de Tikajiouine et ce, depuis 2007 jusqu’à la période qui coïncidait avec la prise de commande par le garde forestier qui a établi les PV contre nous», avancent cette semaine à Le Reporter des habitants de Tikajiouine.
Ces derniers poursuivent que parmi les accusés figurent des acteurs associatifs, lesquels avaient interpellé les autorités et les responsables de l’administration via des courriers au sujet de la destruction de leur forêt par les coupeurs de bois. Plusieurs lettres sont parvenues à la rédaction du Reporter.
«Au lieu de diligenter des commissions d’enquête dans la forêt de Tikajiouine, on nous colle des PV ! C’est là un feuilleton qui n’en finit pas. Les PV n’arrêtent pas de tomber. Il n’y a pas une famille à Tikajiouine qui n’en a pas reçu et dont un ou deux membres ne sont pas recherchés par la police», soutiennent des sources locales.
Par ailleurs, cette affaire a également fait scandale sur les réseaux sociaux. Et pour cause, selon des représentants de la société civile, le flou qui persiste autour de ce dossier et les versions qui se multiplient. Mais la seule certitude à ce stade est que «certaines informations concernant certains accusés seraient erronées sur les PV en question», assurent les mêmes sources.
Dans le village de Tikajouine on ne parle que du garde forestier qui aurait établi un PV contre un ouvrier de construction qui habite à 300 kilomètres de cette zone forestière, écrit le 2 juin sur son compte facebook, Kabir Kacha, SG de l’AMDH-Section de Khenifra.
«Cet ouvrier a reçu, avec un grand étonnement, la convocation de se présenter au tribunal de première instance de Midelt avec 35 autres personnes également accusées de vol de cèdre et d’abattage illégal», poursuit Kabir Kacha.
«Cela nous rappelle l’histoire d’un autre garde forestier qui avait établi un PV à l’encontre d’une personne décédée quatre ans avant l’établissement du PV qui l’accusait de vol de cèdre! Ce garde forestier, qui s’était fait une grande richesse de cette activité, procédait de cette manière pour jeter la responsabilité de la destruction de la forêt sur d’autres personnes», écrit encore le militant associatif sur son compte facebook.
Les populations, dit-il, assurent qu’un audit bien détaillé révélera la vérité sur ceux qui sont devenus riches en s’adonnant à cette activité illégale et ceux qui, eux, ont eu droit à des PV et des accusations ! «C’est pourquoi, les populations de Tikajiouine ont contacté l’AMDH de Khénifra qui, avec la section de l’association de Boumia, va les épauler et les soutenir dans cette affaire. Une affaire à suivre.
Naîma Cherii