Une délégation commerciale dirigée par l’ambassadeur de la République de l’Inde au Maroc, Rajesh Vaishnaw devrait s’entretenir, d’ici quelques jours, avec les minotiers marocains pour explorer les moyens de diversifier ses débouchés, apprend-on à la fédération nationale des minoteries. Le sujet des importations des céréales serait abordé lors de cette rencontre.
Si jusqu’ici selon le gouvernement marocain, les stocks en blé du Royaume n’ont pas encore été trop affectés par la guerre russo-ukrainienne, la situation pourrait s’aggraver dans un contexte très tendu, après l’annonce, le 13 mai, par l’Inde d’un embargo sur ses exportations de blé face à la baisse de sa production due notamment à des vagues extrêmes de chaleur.
Le gouvernement indien avait promis de fournir du blé aux pays dépendants des exportations d’Ukraine. Mais sa décision de limiter ses exportations «va aggraver la crise» d’approvisionnement en céréales au niveau mondial, s’était alarmé le G7, au lendemain de la décision de New Delhi.
Avant l’interdiction, ce pays visait à exporter 10 millions de tonnes cette année. Il a déjà expédié un volume de 1,4 millions de blé en avril, alors que les acheteurs de plusieurs pays se bousculent pour trouver des alternatives aux approvisionnements Ukrainiens. Si les contrats d’exportation, conclus avant l’embargo, pourront être honorés, les exportations futures sont gelées sauf autorisation spéciale. Cela signifie que New Delhi acceptera au cas par cas les demandes d’importation de certains pays.
Le Maroc en fera-t-il partie ? La décision d’interdiction des expéditions vers l’étranger est-elle définitive ? Le gouvernement de New Delhi visait le marché marocain bien avant qu’il ait pris la décision de stopper ses exportations, selon une source bien informée. Il y a trois semaines, une délégation des minotiers devait se déplacer à Rabat pour rencontrer l’attaché commercial de l’ambassade de la République de l’Inde afin d’échanger sur le sujet mais la visite a été annulée, ajoute notre source.
Du côté des minotiers, une source à la fédération nationale des minoteries confirme l’information et annonce que fin mai-début juin 2022, une délégation commerciale dirigée par l’ambassadeur de la République de l’Inde au Maroc, Rajesh Vaishnaw devrait s’entretenir avec les minotiers marocains pour explorer les moyens de diversifier ses débouchés. Cette entrevue se fera dans un contexte préoccupant pour la sécurité alimentaire, afin d’échanger sur une éventuelle coopération entre les deux pays particulièrement dans le secteur de la minoterie, précise la même source.
Le diplomate est attendu à Casablanca où il se réunira avec le président de la fédération nationale des minoteries, Abdelkader Alaoui. Le sujet des importations des céréales serait abordé lors de cette rencontre, souligne notre source à la Fédération, ajoutant qu’une visite à l’Institut spécialisé de formation de l’industrie meunière sera également organisée au profit de la délégation indienne.
Pour faire face à la pénurie de blé, les acheteurs marocains s’activent pour s’approvisionner en grandes quantités de blé sur le marché mondial. Ces opérateurs privés, dont 80% sont des minotiers, prévoient une forte campagne d’importation en valeur et en volume cette année, assure-t-on à la fédération. D’autant que la récolte de blé sera bien maigre cette année.
Comme l’a déjà annoncé le ministre de l’agriculture, une baisse de production céréalière est en effet attendue au Maroc après une année marquée par la sécheresse qui a compromis la récolte de la campagne agricole 2021-2022. La récolte prévue étant de 32 millions de quintaux contre 103,2 millions l’année dernière. Mais ce recul de récolte est aggravé par une pénurie des matières premières sur les marchés internationaux avec en tête les céréales.
«Cette saison, il y aura une baisse conséquente de la production nationale. C’est pourquoi, les acheteurs marocains s’activent déjà sur le marché international pour diversifier leurs fournisseurs et passer des commandes. D’autant que dans certains pays, la saison des moissons s’approche à grand pas. Et ces pays vont vouloir liquider leur stock pour bénéficier de la hausse des prix», indique Youssef Bennis, DG de la fédération nationale des minoteries.
«Les opérateurs marocains vont continuer de s’approvisionner en céréales. Là où il y a disponibilité, il y a possibilité d’acheter», dit-il, ajoutant que «les acheteurs marocains font tout pour chercher plus d’approvisionnement afin de pouvoir construire davantage de silos et de capacités de stockage».
Le conflit russo-ukrainien ayant interrompu l’approvisionnement des ports ukrainiens, qui exportaient notamment de grandes quantités de céréales vers plusieurs pays, dont le Maroc, continue de faire grimper les cours de cette denrée essentielle. Le royaume doit donc, non seulement, trouver une offre de quantités suffisantes mais il doit en plus payer le prix fort.
Notons que le Maroc dispose de stocks de blé suffisants pour couvrir encore quatre mois de consommation après avoir reçu 90 % de ses commandes de l’Ukraine avant le début du conflit, entre novembre 2021 et février 2022, comme l’a déclaré récemment Mustapha Baïtas, ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Relations avec le parlement, Porte-parole du gouvernement.
Globalement, le Royaume a acheté autour de 550.000 tonnes de blé tendre ukrainiens d’une commande de 600.000 tonnes. Les blés ukrainien et russe représentent respectivement 25 % et 11 % des importations marocaines de blé, tandis que la France arrive en tête de liste des exportateurs. En janvier 2022, le Maroc a importé 805.000 tonnes de blé, contre quelque 338.000 tonnes à la même période en 2021, avait indiqué le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sadiki. De ce fait, le Royaume est un marché qui fait saliver les principaux pays exportateurs de céréales. L’Inde fait partie de ceux-là.
Naîma Cherii