Après la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, la guerre d’Ukraine. Alors que les opérations militaires russes contre l’Ukraine se poursuivent depuis plus de trois semaines, les conséquences de cette guerre se font sentir. Plusieurs pays importateurs de céréales annoncent un gel des importations de blé originaires de Russie et d’Ukraine. Quels impacts sur le Maroc ?
Le Royaume est directement touché par cette guerre. Chaque année, il importe près de six millions de tonnes de blé tendre de l’Ukraine, qui a cessé ses exportations de blé. «L’Ukraine est un de nos principaux fournisseurs de blé. Mais nous achetons aussi du blé à d’autres pays», déclare le président de la fédération nationale de la minoterie (FNM), Abdelkader El Alaoui.
Le Maroc achète plus de 70% de ses besoins en blé à l’étranger chaque année. Les blés ukrainien et russe représentent respectivement 25 % et 11 % des importations marocaines. Mais le Royaume dépend largement des importations françaises. La France étant son premier fournisseur. Au total, plus de 4.5 millions de tonnes de blé ont été importées au Maroc en 2021. A fin février dernier, on avait déjà reçu plus de 90 % des commandes blé de l’Ukraine, selon le président de la FNM, qui annonce que l’on dispose d’un stock de blé pour couvrir cinq mois de consommation.
La situation serait-elle sous contrôle avec un stock qui tiendra seulement cinq mois ? Le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas a affirmé, jeudi 10 mars à Rabat, que la guerre d’Ukraine n’aura aucun impact sur l’approvisionnement du Maroc en certains produits dont le pays pourrait avoir besoin dans le cadre de ses échanges commerciaux avec la Russie et l’Ukraine. Le responsable gouvernemental, qui s’exprimait lors d’un point de presse à l’issue du Conseil du gouvernement, a précisé en revanche que les prix de ces produits seront impactés.
Si la situation semble encore sous contrôle, comme le soutient l’Exécutif, la crise russo-ukrainienne pourrait, toutefois, pousser des pays européens à limiter leurs exportations de blé, s’inquiètent, en tout cas, certaines associations de protection de consommateurs. «Entre le Canada et la France, le Maroc importe plus de 70% des ses besoins en blé. Malheureusement, la France, qui est notre premier fournisseur, suite aux pressions de l’Union européenne, va d’abord desservir les pays européens», souligne le président de la fédération marocaine des droits du consommateur, Bouazza Kherrati, qui regarde la guerre d’Ukraine et ses conséquences sur le blé avec inquiétude.
Pour B. Kherrati, le conflit menace de mettre à mal les approvisionnements du Maroc, qui avait d’ailleurs déclaré que sa production de céréales connaitrait cette année une diminution en raison de la sécheresse. Cet associatif a dit craindre «une crise alimentaire mondiale dans les prochains mois». «Il pourrait y avoir en effet des pénuries de blé sur le plan mondial en raison de faibles disponibilités et des prix qui vont encore continuer à grimper», dit-il. Avant de conclure: «On ne peut que regretter que le Plan Maroc Vert ait, sacrifié notre sécurité alimentaire en privilégiant les cultures des fruits comme des cerises ou encore des fraises, aux dépens de la culture céréalière. Or on peut se passer des cerises et des fraises, mais on ne peut pas se passer du blé, en particulier dans les pays du pourtour de la méditerranéenne qui en sont de grands consommateurs».
Les opérateurs du secteur surveillent, eux aussi, la situation avec inquiétude. Ils sont en train de revoir toute leur stratégie d’achats dans une conjoncture de flambée mondiale des prix des céréales. Ils sont une vingtaine de négociants marocains à chercher plus d’approvisionnement ailleurs. Ils s’intéressent actuellement au blé français, brésilien, argentin, polonais, américain et australien, a indiqué le président de la FNM, soulignant que l’exécutif incite les investisseurs à construire davantage de silos et de capacités de stockage.
Notons enfin qu’avec des prix qui s’envolent à l’international, le gouvernement marocain devrait mobiliser plus de 15 milliards de dirhams supplémentaires en 2022 pour préserver le pouvoir d’achat et lutter contre l’augmentation du gaz butane, du blé, de la farine et des tarifs de transports, comme l’a fait savoir récemment le ministre du Budget, Faouzi Lakjaa, dans une émission radio. On s’attend à ce que les dépenses attribuées aux subventions au blé tendre grimpent de 15% par rapport à l’année précédente pour s’établir à près de 3,8 milliards de dirhams.
N.Cherii