Lundi 13 décembre, l’activité était à l’arrêt au port de Casablanca dans la zone gérée par Somaport, filiale du Groupe CMA CGM. Pourquoi ce blocage et pourquoi a-t-il nécessité l’intervention des autorités ? Enquête expresse.
Le bras de fer entre la société Somaport, deuxième société de manutention au port de Casablanca, et les dockers a connu ce lundi 13 décembre un nouvel épisode avec une grève surprise lundi matin dans ce port, le plus grand du Maroc, qui représente 50% du PNB national.
Le terminal polyvalent est resté paralysé par les 600 dockers qui, pendant plus de quatre heures, n’ont mené aucune activité dans cette zone du port où l’activité était complètement à l’arrêt, à partir de 7 heures du matin. Selon nos sources syndicales, ce blocage a perturbé les déchargements au niveau de ce terminal géré par Somaport, filiale du Groupe CMA CGM, lequel est propriétaire à 100% d’un terminal de Casablanca via cette société. Jusqu’à 11 heures 35 du matin, trois navires attendaient toujours sur le quai dédié aux marchandises de pouvoir être déchargés, souffle une source portuaire. Un site délicat qui reçoit des matières sensibles et dangereuses, précise notre source, ajoutant que ce lundi 13 décembre, un des trois navires, qui attendaient leur déchargement, transportait des ammonitrates, matière qui présentait un danger pour le site. Ce blocage ne devait donc pas durer longtemps, tenait à souligner notre source.
Un syndicaliste indique que les contestataires sont soutenus par le syndicat des ouvriers et des cadres de Somaport, affilié à l’UMT, qui dit-il, a exposé le problème aux autorités. Selon notre source, l’intervention des autorités portuaires a finalement permis de débloquer la situation et «d’assurer la continuité territoriale par le déchargement des navires à quai». Le blocage a été levé ce même lundi aux alentours de 11h35, pour laisser une dernière chance aux tractations, commente notre syndicaliste à l’UMT.
Retour à la précarité pour les dockers?
Mais que se passe-t-il dans la zone gérée par Somaport ? A l’origine de ce mouvement de colère des dockers: l’arrivée d’une nouvelle société sur la place. Selon nos syndicalistes à l’UMT, Somaport a récemment engagé les employés d’une société nouvelle: Kanban logistique, une entreprise spécialisée dans le transport, la logistique, le chargement et le déchargement.
Les mêmes sources soutiennent que la direction envisagerait de mettre à l’ordre du jour des salariés occasionnels sur les quais. Une possibilité qui, pour les dockers, est synonyme de retour à la précarité pour ces derniers. Selon nos syndicalistes, cela viendrait casser les accords conclus entre la société et les dockers. «La direction prétend qu’il s’agit d’une société de balayage. Mais l’entreprise engagée est une société de chargement et de déchargement», lance un des ouvriers. Il ajoute, «En ce qui nous concerne, on respecte nos engagements et on ne voit pas pourquoi la direction, elle, ne respecte pas ses engagements avec l’Etat marocain. Avec l’arrivée de cette entreprise, c’est notre travail qui est menacé. Si ça continue, il n’y aura plus de dockers».
Les dockers expriment aussi leur exacerbation contre les conditions de travail dans la zone gérée par Somaport et réclament aux responsables du groupe CMA CGM, basé à Marseille en France, de dépêcher sur les lieux une commission d’enquête. «On nous demande de travailler plus de 12 heures par jour, de lundi à dimanche, et dans des conditions très précaires. Mais sans aucune augmentation de salaire ni entretien des équipements, notamment les grues et les chariots élévateurs», critiquent nos syndicalistes, qui déplorent aussi le non respect par la direction des accords conclus avec les dockers. Notamment en ce qui concerne le point relatif au recrutement des fils des salariés retraités ou décédés.
L’avis de la direction…
Malgré nos appels téléphoniques, les responsables de Somaport sont restés injoignables. Mais dans une note générale, dont Le Reporter détient copie, il est souligné que suite à l’autorisation de l’ANP, la direction a évoqué, lors de la réunion entre la direction et le syndicat, mardi 7 décembre, les projets de sous-traitance de pointage/contrôle des marchandises et visite douane. Les personnels utilisés dans ce cadre seront également choisis en majorité parmi les fils des salariés retraités ou décédés si les compétences le permettent, lit-on dans cette même note.
Premier opérateur portuaire privé de ce port, cette société gère un terminal conteneur, qui assure un volume annuel d’environ 300.000 EVP, et un terminal polyvalent de plus d’1 million d’unités payantes. A noter enfin que Somaport a récupéré pratiquement tout le personnel des sociétés de manutention qui opéraient dans le port de Casablanca. L’entreprise a hérité de quelque 1090 dockers, dont il ne reste aujourd’hui que 600, selon un membre du syndicat des ouvriers et des cadres de Somaport, affilié à l’UMT.
Naîma Cherii