Le Vice-Premier ministre et ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, est arrivé mardi 23 novembre au soir à Rabat, dans le cadre d’une visite officielle au Maroc, qui intervient un an après le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux Etats.

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C’est la 2ème visite d’un haut responsable israélien au Maroc, après celle du ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, qui avait été reçu au Maroc en août dernier (2020).

Qualifiée d’historique par Benny Gantz, cette visite de travail s’est fixé pour objectif de consolider la reprise des relations entre les deux pays et de renforcer la coopération militaire et sécuritaire entre le Maroc et Israël.

L’objectif a-t-il été atteint ?

Avant de quitter Israël pour se rendre au Maroc, alors qu’il était à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, mardi 23 novembre (2021), le Vice-Premier ministre et ministre de la défense, Benny Gantz, a déclaré à l’AFP: «Dans quelques minutes, nous décollerons pour un voyage important au Maroc qui a une touche historique, car il s’agit de la première visite formelle d’un ministre de la Défense israélien dans ce pays». Poursuivant: «Nous allons signer des accords de coopération et continuer de renforcer nos relations. Il est très important que ce voyage soit un succès». Un autre responsable a ajouté à l’AFP que cette visite vise à: «établir la pierre d’assise des relations sécuritaires futures entre Israël et le Maroc». «Jusqu’à présent, il y avait une certaine coopération, mais là nous allons vraiment la formaliser. C’est une déclaration publique de notre partenariat», a précisé ce responsable.

Le succès souhaité par le ministre de la défense israélien était-il au rendez-vous ?

Une première réponse peut être apportée par les entretiens importants qu’il a eus durant cette visite.

Arrivé à Rabat dans la nuit du mardi 23 novembre, dès le lendemain mercredi, le ministre israélien de la Défense, était reçu par Abdellatif Loudiyi, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de l’Administration de la Défense Nationale, au siège de cette Administration.

Ce que nous apprend l’Etat-major Général des FAR

Une réunion qui n’a pas manqué de convivialité, si l’on en croit «l’instant sourires» livré par la télévision nationale aux informations de 20h 30.

Les sujets sur la table étaient de la plus haute importance, ayant trait aux relations militaires et sécuritaires entre les deux parties.

Ce qui a trait au sécuritaire et à la défense n’est jamais entièrement livré à l’opinion publique, mais à l’issue de la réunion, l’État-Major Général des Forces Armées Royales a rendu public un communiqué dans lequel on pouvait lire qu’«en exécution des Hautes Instructions Royales», une «importante délégation israélienne conduite par M. Benjamin Gantz, vice-Premier ministre, ministre de la Défense de l’Etat d’Israël, en visite officielle au Maroc du 23 au 25 novembre» était reçue par le ministre délégué chargé de l’Administration de la Défense Nationale, Abdellatif Loudiyi.

Que «cette visite s’inscrit dans le cadre des relations de coopération entre le Royaume du Maroc et l’Etat d’Israël, qui ont enregistré des avancées notables depuis la signature sous la Présidence de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’Assiste, de la déclaration tripartite (Maroc-lsraël-USA) au mois de décembre 2020, consacrant la reprise de leurs relations diplomatiques».

Et qu’«à cette occasion, les deux ministres se sont félicités des progrès réalisés dans le domaine de la défense avec la conclusion d’un Accord relatif à la protection des informations dans le domaine de la défense et d’un Mémorandum d’Entente de coopération en matière de cybersécurité».

Le communiqué de l’État-Major Général des FAR a également indiqué qu’après s’être félicités de ce qui a été réalisé, les deux ministres ont parlé de l’avenir et, ainsi, «discuté des voies et moyens de renforcer la coopération militaire bilatérale dans les domaines d’intérêts communs, renouvelant leur volonté commune de consolider ces relations». Ajoutant qu’ils ont eu des «échanges sur des questions d’ordre bilatéral et régional» et qu’ils «ont mis en avant les liens historiques et culturels entre les deux pays, ainsi que l’attachement solide à Sa Majesté le Roi de la communauté juive au Maroc et de la diaspora marocaine juive en Israël et partout dans le monde, leur permettant d’œuvrer pour promouvoir la paix et renforcer la stabilité au Moyen-Orient».

Puis, l’État-Major Général des FAR a livré les résultats de cette rencontre, faisant savoir que «les deux ministres ont procédé à la signature d’un Mémorandum d’Entente dans le domaine de la défense couvrant les échanges d’expériences et d’expertise, le transfert technologique, les formations ainsi que la coopération dans le domaine de l’industrie de défense».

Ce qu’en dit le ministre israélien de la Défense Benny Gantz

De son côté, Benny Gantz exprimait sa satisfaction dans un tweet. Sous une photo où lui et Abdellatif Loudiyi se serrent la main, après la signature de l’accord, il écrit: «Aujourd’hui, j’ai signé avec le ministre de la Défense Abellatif Loudiyi un accord de coopération sécuritaire avec le Maroc.

L’accord comprend la réglementation de la coopération en matière de renseignement, les achats de sécurité, la formation conjointe et les liens étroits entre les industries.

Je remercie le Roi Mohammed VI et le ministre de la défense pour leur travail dans le développement des relations entre les deux pays. 

Nous avons franchi une étape historique aujourd’hui».

La journée commençait fort…

Elle s’est poursuivie avec le 2ème rendez-vous du ministre de la Défense israélien avec un responsable des Forces Armées Royales. Il s’agit du Général de Corps d’Armée, Inspecteur Général des FAR et Commandant la Zone Sud, Belkhir El Farouk, qui a reçu Benny Gantz et la délégation qui l’accompagne à l’Etat-Major Général des FAR à Rabat, en présence de hauts responsables militaires marocains.

Le communiqué de l’Etat-Major Général des FAR ne donne pas de détails sur cette réunion du ministre de la Défense israélien avec le Général qui commande la Zone Sud –et donc, le Sahara- rapportant seulement que «durant cette réunion de travail, les deux responsables se sont félicités de la dynamique de coopération entre les deux pays, porteuse d’intérêts mutuels et augurant d’une collaboration prometteuse en termes d’échange d’expertise. En particulier dans les domaines de la formation, du renforcement des capacités de défense et du transfert de technologie».

Rien ne filtrera non plus des entretiens qu’ont eus Benny Gantz avec le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita qui a, à son tour, reçu au siège du ministère des Affaires étrangères la délégation israélienne.

Ce qui pouvait être dit des entretiens du ministre israélien de la défense avec les responsables marocains l’a été dans le communiqué de l’État-Major général des Forces Armées Royales… Du moins, côté marocain.

La partie israélienne, elle, a un peu plus desserré les dents.

Parlant de cet accord de coopération sécuritaire «sans précédent» et «le premier du genre avec un pays arabe», signé par les deux ministres de la Défense Abdellatif Loudiyi et Benny Gantz, ce dernier  a déclaré à la presse: «Il s’agit d’une chose très importante qui nous permettra (…) de lancer des projets conjoints et favorisera les exportations israéliennes jusqu’ici».

Un autre responsable israélien de la Défense a confié, sous couvert d’anonymat: «Les relations avec le Maroc ne sont pas basées sur les ventes d’armes, mais sur le renforcement à long terme de nos liens dans la région qui sont la pierre angulaire de la sécurité d’Israël».

Voilà, au moins deux motivations, dites publiquement, que l’on peut attribuer à Israël. 

Et le Maroc, quelles sont ses motivations ?

Aucun des analystes, commentateurs et/ou professionnels de l’information qui se sont intéressés à cette visite de Benny Gantz au Maroc, n’a omis de faire référence au contexte actuel des relations tendues (un euphémisme !) de l’Algérie avec le Maroc, voyant dans cette tension une des causes du rapprochement entre le Maroc et Israël… Et des accords qui vont avec… Notamment les accords sécuritaires et militaires.

Ceux qui connaissent bien le Maroc et suivent sa politique étrangère de ces dernières années, savent que ce n’est ni tout à fait faux, ni tout à fait exact.

Il n’est pas faux que le Maroc, qui a vu son voisin algérien se surarmer, aller crescendo dans ses provocations belliqueuses et, en plus d’armer les séparatistes du Polisario, exprimer lui-même de plus en plus clairement ses menaces de guerre, a entrepris de mettre en oeuvre une stratégie de Défense. 

Ces accords avec Israël font effectivement partie de cette stratégie. Mais il n’y a pas que cela.

La défense que le Maroc a décidé de s’assurer comprend plusieurs volets, repose sur plusieurs moyens et met à contribution plusieurs partenaires.

Ceux qui focalisent sur ces derniers accords signés avec Israël oublient les accords signés avec les Etats-Unis, qui portent eux sur 10 années ! Pour ne citer que cet exemple…

Pour ce qui est de l’armement et des partenaires, il n’aura pas échappé aux vrais observateurs que le Maroc a opté pour une politique de diversification qui est l’un des éléments les plus importants de sa stratégie de Défense.

Avec Israël, le Maroc renforce sa Défense, certes. Mais il traite aussi avec un allié, comme avec d’autres alliés… sauf que, dans ce cas, il reprend ses relations avec un pays dont le 1/5ème de la population est originaire du Maroc et reste attachée au Maroc. Un pays (Israël) dont tous les analystes ont bien souligné qu’il avait des relations normales avec le Maroc dans les années 90, que ces relations avaient été suspendues du fait de l’Intifada et qu’elles sont revenues à la normalité  avec les accords d’Abraham initiés par l’Administration Trump. 

En outre, les motivations du Maroc ne sont pas uniquement militaires, sécuritaires et/ou en lien avec la Cause du Sahara et de l’intégrité territoriale du pays.

Il y a aussi l’attachement du Maroc, réitéré à plusieurs reprises, à la paix, à la sécurité et au développement dans la Région –voire dans le continent- où il s’implique de différentes manières (engrais phosphatiers, banques, infrastructures, bérets bleus marocains mis à la disposition de l’ONU…).

Si la présence d’Israël refroidit des velléités belliqueuses qui pourraient embraser la région, le Maroc n’a d’autorisation à recevoir de personne pour l’accepter sur ses terres. 

Ni Alger à qui le Maroc a tendu la main à plusieurs reprises, ne recevant pour réponse que davantage d’agressivité.

Ni les autres partenaires qui ont machiavéliquement tenu la dragée haute au Maroc dans sa Cause nationale du Sahara, toutes ces années, alors que s’ils n’avaient pas abusé, tout aurait pu en être autrement…   

Bahia Amrani

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