Le confinement n’est pas le même pour tout le monde, que l’on vive dans une maison, un appartement ou pire encore, dans un bidonville.
Dans les quartiers populaires et même chics de Casablanca, rester enfermé pendant toute la journée s’est avéré être une tâche difficile, principalement pour les familles nombreuses vivant dans de petits logements. Le Maroc a, depuis toujours, privilégié les constructions à l’horizontale (maisons individuelles). En raison de la forte demande en logements due à l’exode rurale et à la forte pression exercée sur l’assiette foncière dans certaines villes comme Casablanca, Rabat, Tanger et Marrakech, le Maroc a privilégié depuis quelques années, le concept de construction à la verticale (immeubles de plusieurs étages). Ce nouveau mode d’urbanisme et de construction comporte des inconvénients. En effet, les familles marocaines sont traditionnellement habituées à vivre dans les logements spacieux et sans vis-à-vis. De nos jours, de plus en plus de Marocains se voient obligés de se loger dans des appartements étroits. Le Reporter est allé à la rencontre de ces familles qui vivent mal le confinement à cause des superficies de leurs demeures.
Le sentiment d’être pris au piège
Abdessalam a 40 ans. Electricien, ce père de famille réside au quartier Hay Hassani à Casablanca avec sa femme et ses trois enfants, dans un petit studio de 45m2. Pour lui, le confinement est très difficile à vivre. «Depuis que les autorités ont annoncé l’état d’urgence sanitaire, je ne quitte mon domicile qu’en cas de nécessité extrême. J’applique à la lettre les recommandations des autorités. Toutefois, je ne vous cache pas que le fait de vivre à l’étroit me complique l’existence surtout depuis que le confinement est instauré par le ministère de l’Intérieur», précise notre interlocuteur.
Au moment où nous-nous apprêtions à recueillir d’autres témoignages sur les difficultés qu’éprouvent certains marocains dans le cadre du confinement, nous avons été approchés par trois agents d’autorité. Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, se balader dans la rue n’est plus autorisé comme en temps normal. En effet et dans le cadre de cet état d’urgence, les contrôles d’identité et des attestations exceptionnelles de circulation se font à chaque coin de rue ce qui n’est pas sans susciter la satisfaction générale. Sur présentation de la carte de presse, Le Reporter a été autorisé à poursuivre sa mission, celle de rapporter l’information vérifiée et de première main.
Signalons que les contrôles d’identité récurrents depuis quelques jours sont encadrées par la loi. Ces dernières sont appelées à se multiplier voire se durcir dans les prochains jours, sachant qu’un certain relâchement du respect des mesures de confinement a été constaté ces derniers jours, dans plusieurs villes et villages du Maroc.
La situation n’est pas meilleure ailleurs
Réputé être un quartier aisé de Casablanca, Beauséjour est habité par une classe moyenne relativement aisée, composée principalement de médecins, chefs d’entreprises, d’ingénieurs…Ce qui fait que la question de la superficie des logements ne se pose pas avec la même insistance que dans les quartiers populaires. Dans cette zone mitoyenne à des quartiers prisés comme CIL et l’Oasis, les appartements sont spacieuses quand des villas refusent de céder face aux grands projets de logement.
Néanmoins et comme dans plusieurs zones de la métropole casablancaise, Beauséjour ne porte plus vraiment son nom. Un bidonville y est installé depuis de longues années. Les personnes qui y résident vivent à leur tour, très mal le confinement. À l’intérieur de ces habitats insalubres, le Coronavirus a tout de la bombe à retardement. «Le confinement est possible et supportable pour les autres qui sont riches, qui ont de l’espace», nous lance un des jeunes habitants ce bidonville situé dans une impasse au niveau de l’entrée arrière de l’espace commercial «Al Anfal». Le jeune homme qu’on appellera Mourad affirme d’un ton ironique que «Ici, les gens risquent de mourir d’insalubrité et d’absence d’installations sanitaires. Ici nous luttons contre la pauvreté-virus qui est à mon sens encore plus grave que le Covid-19», ajoute ce jeune garçon qui exerçe en tant que plombier. «J’ai pu bénéficier des 1200DH d’aide financière octroyée par l’Etat aux personnes qui se sont retrouvées au chômage forcé à cause du Coronavirus. Ce qui me dérange le plus c’est cette insalubrité dans laquelle je vis moi et ma famille et qui m’empêche de me confiner comme il se doit conformément aux directives des autorités », nous explique le père de Mourad.
Prendre la vie du bon côté, voir le verre à moitié plein
Sur Facebook, les Marocains commencent à montrer des signes d’agacement, deux semaines après l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire. «J’aimerais aller à l’école, travailler, comme tous les jours(…)», expliquent un grand nombre d’internautes qui ont hâte que ça se termine. «Faute d’espace et de distraction, le confinement serait, dans les quartiers populaires, moins respecté qu’ailleurs. Il est également moins compris», expliquent d’autres Facebookers.
Oui, il fait beau, c’est difficile d’être confiné, mais il faut prendre son mal en patience. Il y va de notre santé, souligne Abderrahim El Atri, sociologue. «Il n’y a pas d’autre manière de freiner la propagation du Coronavirus que de se soumettre au principe et aux règles du confinement». Et El Atri de préciser qu’«il n’y a pas de vaccin contre le Covid-19 et que la seule façon de lisser le pic de la maladie, c’est de rester chez soi», insiste-t-il, appelant à tirer profit du confinement en essayant de raffermir les liens familiaux ou pratiquer la lecture au quotidien.
Oui au confinement, non à la discrimination
Le 6 avril 2020, une certaine L.B. s’est fendue d’un post sur son compte Facebook, appelant les autorités à procéder au déconfinement des quartiers les plus huppés de Casablanca. Sous le hashtag #deconfinementCasablanca, L.B a écrit ceci : «à mon avis, il faudrait un déconfinement par quartier. Il faudrait commencer par Anfa, Longchamp et CIL et laisser les autres quartiers fermés jusqu’en septembre avec aucune possibilité de circuler, mais alors du tout, qu’ils restent à l’intérieur de leur quartier et que nous on circule entre nous… Ça limitera beaucoup les risques et la courbe baissera sensiblement… Je vais en informer qui de droit pour suggestion». Tout simplement scandaleux!
Le logement est devenu la protection première contre le Covid-19. Le domicile a rarement autant été une question de vie ou de mort. Face au confinement, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne…