Une convergence des efforts de tous les départements concernés par la gestion du dossier des Marocains du monde, accélérer le projet de réforme consulaire, relancer le fond d’investissement dédié aux MRE… Des thèmes chers à Nezha El Ouafi, ministre déléguée chargée des Marocains résidant à l’Étranger, qui a livré à «Le Reporter», dans cet entretien exclusif, les grandes lignes de ses priorités.
En marge de la COP 25, vous aviez exprimé votre détermination à engager «une nouvelle feuille de route» visant à régler les problèmes des MRE. Qu’en est-il du contenu de cette feuille de route?
Pour commencer, je dois souligner que j’ai eu l’honneur que SM le Roi Mohammed VI m’a nommée à la tête de ce département des Marocains à l’étranger. D’autant que le dossier des MRE est un dossier sur lequel j’ai travaillé pendant longtemps, à travers mon expérience, en tant que chercheuse et ancienne résidante à l’étranger pendant 16 ans. En tant que parlementaire, j’ai également travaillé sur le dossier de la gestion du dossier des Marocains du Monde pendant trois mandats.
La décision d’adopter une nouvelle feuille de route s’inscrit dans la nouvelle ingénierie gouvernementale. L’objectif étant d’atteindre une meilleure efficacité, une convergence des efforts et une bonne gouvernance dans tous les dossiers à dimension horizontale. Car, notons-le, la gestion du dossier de l’immigration marocaine à l’étranger est principalement un dossier à dimension transversale.
Nous ne disons pas que nous allons créer une coupure avec ce qui a été fait avant. Ce sera plutôt la continuation d’une stratégie existante, mais avec une nouvelle approche. Une approche qui se base en premier sur les orientations stratégiques et les priorités fixées pour la gestion de ce dossier.
L’une de nos principales priorités, c’est d’abord de lancer le chantier de la Convergence des efforts avec l’ensemble des départements concernés par ce dossier. Un travail très important se fait d’ailleurs, à ce niveau, avec les intervenants concernés par ce dossier.
La deuxième priorité, c’est de donner un souffle et une accélération au projet de réforme consulaire, en vue de satisfaire les besoins des Marocains du Monde. C’est d’ailleurs, la priorité pour le ministère des Affaires étrangères qui s’attèle à ce chantier, déjà en cours. Il s’agit surtout de renforcer le rôle économique, culturel et social des représentations consulaires. C’est un projet qui s’impose, surtout avec les changements qui se produisent aujourd’hui au niveau de l’immigration marocaine.
Autre chantier lancé, l’évaluation -pour la première fois- de tout ce qui a été fait en matière de mobilisation des compétentes marocaines résidant à l’étranger. Il s’agit de mettre en place une stratégie nationale pour la mobilisation des compétences, avec des programmes spécifiques. Cette stratégie, qui devra être fin prête d’ici le mois de juin prochain, est lancée de manière participative, notamment en ce qui concerne la méthodologie suivie basée sur une approche collaborative et inclusive.
L’objectif, c’est surtout de savoir comment ces compétences peuvent participer au développement national et ce, sur tous les volets (Métiers, formation, promotion touristique, recherche scientifique, etc.).
Adopter une nouvelle approche, est-ce à dire qu’une restructuration des différents programmes déjà en place en faveur des Marocains vivants à l’étranger doit être engagée ?
Aujourd’hui, l’objectif c’est de passer des initiatives à une institutionnalisation des programmes. On doit avoir des priorités spécifiques. Pourquoi? Pour deux raisons. La première raison, c’est d’abord cette dynamique très accélérée que connaît aujourd’hui l’immigration marocaine à l’étranger.
Plusieurs études ont été réalisées sur cette immigration, en remontant à trois décennies. Ces études montrent que 20% des MRE sont nés dans les pays d’accueils. Nous sommes aujourd’hui face à la cinquième, voire la sixième génération des MRE surtout dans ces pays d’accueil: la France, la Belgique et les Pays-Bas.
Il s’agit donc de voir comment on peut procéder à la modernisation des outils et des mécanismes déjà en place pour que ces jeunes générations puissent rester liées à leur pays, aussi bien sur le plan culturel qu’en termes d’apport de leur expertise, notamment dans le domaine économique.
A noter que la nouvelle stratégie va se baser sur les études qui ont montré le changement qu’il y a eu dans l’immigration marocaine. Ce qui impose en fait une institutionnalisation et une convergence avec tous les intervenants.
Cette convergence était déjà évoquée au par avant…Quelle nouveauté dans cette nouvelle stratégie ?
La nouveauté aujourd’hui c’est que nous travaillons de manière méthodique avec tous les départements. Certes, il y avait des initiatives importantes. Nous allons d’ailleurs continuer à les mettre en œuvre. Mais il est grand temps de travailler avec tous les départements. Notamment en ce qui concerne les requêtes émanant des Marocains du Monde.
Il y a lieu de souligner que des conventions ont été conclues avec certains pays dans le domaine du droit civil (code de la famille, la sécurité sociale, la retraite…). Mais elles n’ont pas été mises à jour depuis 1984. C’est pourquoi, nous travaillons sur la mise à jour de ces accords. Une task force a été mise en place et travaille actuellement sur le dossier. Elle doit apporter une réponse institutionnelle.
Après mon arrivé au ministère, un travail d’évaluation a été fait sur tout ce qui a été entrepris concernant l’un des problèmes que nous connaissons et qui a toujours existé, c’est le traitement des requêtes des Marocains résidant à l’étranger. Dans le cadre de cette institutionnalisation, nous avons travaillé sur « le système de traitement des requêtes». Ce projet est actuellement en phase de finalisation.
Une équipe a d’ailleurs été installée au sein du ministère pour veiller au bon déroulement de cette opération. Elle a profité d’une formation assurée par des experts internationaux. Notamment en ce qui concerne l’écoute, la numérisation et le respect des procédures. Une circulaire du chef de gouvernement impose une réponse dans un délai de 15 jours. Car de nombreuses requêtes restent sans réponse. L’objectif de ce système c’est d’apporter une réponse à toutes les requêtes des MRE. Et d’ailleurs, c’est l’attente des MRE. À noter, que l’on a déjà mis en place un système de réception et de traitement des requêtes, ainsi que de réponse. Une partie de ce système a un rapport avec la numérisation.
Pour réceptionner et traiter les requêtes, un portail -dans le cadre de la plateforme «Chikaya.ma» destinée aux Marocains du monde- sera lancé d’ici fin mars. Ce portail permettra de répertorier les requêtes de manière à faire une évaluation régulière.
Votre département compte lancer une étude sur la stratégie nationale de mobilisation des compétences marocaines à l’étranger. Quels sont les détails de cette étude ?
Comme je l’ai souligné, parmi les changements de l’immigration durant ces trente dernières années, il y a l’apparition des compétentes vivant à l’étranger et ce, dans des domaines où leurs expertises et expériences sont très demandées.
A travers cette stratégie, nous voulons d’abord institutionnaliser et installer -de manière intelligente- un cadre permettant la capitalisation de l’expertise de ces compétences marocaines. Lesquelles sont de très haut niveau, certaines d’entre elles occupent des postes de décision dans les pays d’accueil. Ces compétences ont une grande volonté de participer aux chantiers lancés au Maroc.
On va permettre à un certain nombre de réseaux de compétences d’établir des contacts directs avec des universités et des instituts de formation, afin de dispenser des sessions de formations pendant des périodes limitées. Il s’agit, dans ce cadre, de conclure des partenariats avec des Université et des instituts de formation. A titre d’exemple, on va lancer l’Académie «MRE» pour dispenser des sessions de formation et profiter de l’expertise des compétences marocaines à l’étranger. Ce programme sera lancé en avril prochain.
Quels sont, selon vous, les domaines, voire les priorités nationales, dans lesquels la diaspora pourra avoir un apport positif ?
En fait, il n’y a pas un domaine où les Marocains du monde ne pourront pas avoir un apport positif. Sachant que plusieurs administrations ont déjà fait un grand travail en matière de mobilisation des compétences et de communication avec eux. Les Marocains du monde sont appelés aujourd’hui à participer dans tous les domaines. Dois-je le souligner, un nombre important des membres de la commission du nouveau modèle de développement sont des Marocains du monde. C’est donc là un message fort.
C’est pourquoi, à travers cette stratégie nationale, il est temps de s’atteler à toutes les recommandations et les évaluations ayant été faites depuis plusieurs années, au niveau du ministère. Car ces Marocains du monde, on les rencontre, on organise avec eux beaucoup d’événements, mais ils attendent toujours la suite. Notre première priorité, c’est donc de passer à l’action et surtout à une institutionnalisation des programmes de mobilisation de ces compétences. C’est dans ce cadre que s’inscrivent d’ailleurs les chantiers lancés au niveau du ministère.
Entretien réalisé par Naîma Cherii
Le chantier des investissements…
Nezha El Ouafi fait aussi de la relance de l’investissement un cheval de bataille. Pour la responsable, la promotion des investissements des Marocains du monde passe d’abord par une évaluation interne au niveau du département en charge des MRE, mais elle passe aussi par la dimension de la convergence. «Un travail a déjà été fait au ministère en ce qui concerne l’évaluation du fonds MDM Invest. Très prochainement, on va tenir une rencontre avec tous les partenaires concernés pour lancer une réflexion très profonde sur ce fonds», déclare à Le Reporter Nezha El Ouafi, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger.
Pour elle, toutes les conditions sont réunies pour relancer –dans les plus bref délais- le fonds d’investissement dédié aux Marocains du monde, lequel fonds concernait auparavant la rentrée des devises au Maroc. La ministre, qui a plaidé pour une nouvelle approche pour une meilleure mobilisation des investissements d’ailleurs, a estimé que l’identité de ce fonds doit être discutée.
Il faut aussi, dit-elle, prendre en considération les propositions des MRE pour résoudre les différents problèmes auxquels les MRE sont confrontés, notamment en ce qui concerne l’investissement. «Les MRE se plaignent des difficultés d’entreprendre au Maroc. La chose la plus importante, c’est d’abord de regagner la confiance de ces MRE, en leur facilitant l’entrée dans l’écosystème des investissements au Maroc», a expliqué Nezha El Ouafi qui affirme que «la digitalisation au niveau des différents services devrait bénéficier à la relance de l’investissement».