Dix ans après son lancement, le logement à faible valeur immobilière (FVI) à 140.000 DH n’arrive toujours pas à s’envoler. En effet, les trois dernières années ont été peu propices à ce segment d’habitat, affirment des promoteurs immobiliers à Casablanca, qui évoquent le désintérêt des professionnels pour ce type de logement.
Selon les derniers chiffres du ministère de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, le besoin national en la matière reste, toutefois, énorme, avec quelque 1.800.000 demandes enregistrées en 2018, dont plus de 40% concernent le logement social à des prix qui varient entre 140.000 et 250.000 DH.
Pour encourager ce type de logement, le groupe Al Omrane a initié, en partenariat avec le ministère de tutelle, il y a quelques jours, à Fès, une campagne de sensibilisation pour promouvoir davantage le partenariat avec les promoteurs immobiliers en général et les petits et moyens promoteurs en particulier.
Au total, ce programme de logement à FVI vise la réalisation de 130.000 unités de 50 à 65 m² à faible coût au prix de 140.000 DH l’unité. L’objectif de ce programme -lancé par le Souverain en 2008- est essentiellement la lutte contre les bidonvilles et l’habitat menaçant ruine. Le logement à 140.000 DH est destiné aux familles dont le revenu mensuel ne dépasse pas les 2.700 dirhams.
Les opérateurs bénéficient d’une exonération totale de l’IS ou de l’IR sur le bénéfice des opérations de réalisation et de vente de ces logements, de la TVA, des droits d’inscription à la conservation foncière et des droits d’enregistrement et de timbre sur les opérations d’achat des terrains destinés à la réalisation du projet de construction. Toutefois, malgré ces incitations, ce programme connait aujourd’hui des difficultés.
Dans les milieux de la petite promotion, on évoque en tout cas, un recul de la production comparée aux trois dernières années, ainsi qu’une baisse en chantier. Pourtant, il y a encore quatre ans, ce logement à 140.000 dirhams connaissait un engouement auprès des petits promoteurs, indique-t-on à l’Union nationale des petits promoteurs immobiliers (UNPI).
Raisons de ce recul ? A l’UNPI, on avance de nombreuses critiques. L’adjoint du président de l’Union, Mohamed Dahbi, met l’accent sur certaines contraintes qui expliquent que les promoteurs sont aujourd’hui très peu intéressés par ce produit.
«A Challalet, à Mohammedia et à Sidi Moumen, à Casablanca, nous avons des unités finalisées depuis près de deux ans. Mais à ce jour, ces logements ne trouvent pas acquéreurs», affirme l’adjoint du président de l’UNPI. Explications: une faible demande et un retard dans la livraison de la liste des familles bénéficiaires, dit-il. Pourtant, poursuit notre interlocuteur, «conformément à une convention signée avec Al Omrane, on doit nous livrer les listes des bénéficiaires, dans un délai de six mois après le démarrage des travaux de réalisation des logements», tient à souligner l’adjoint du président de l’UNPI, qui pointe la lenteur des autorités locales dans cette opération.
Autres raisons de ce recul, selon l’adjoint du président: la limitation de ce produit aux seuls bidonvillois, ainsi que la faible implication des banques dans l’accompagnement de ces populations, en termes d’octroi de crédit.
«Il faut étendre la base des populations devant profiter de ce logement à FVI. Car, à l’UNPI, on a constaté que parmi les bénéficiaires qui sont proposés par les autorités locales, beaucoup sont récalcitrants. Les bidonvillois préfèrent en général des lots de terrain et refusent ce type d’habitat», selon M. Dahbi.
Et ce n’est pas tout. Pour notre source, qui critique aussi l’absence d’un guichet unique, la procédure d’octroi des autorisations, ou encore de permis d’habiter, serait très lente.
Dans la Commune de Challalet, à Mohammedia, dit-il, «il reste encore 51 unités achevées mais qui ne sont pas encore vendues». La raison en est un conflit qui oppose l’UNPI au président de la commune, qui refuse de délivrer les permis d’habiter aux promoteurs. Une affaire qui devrait faire parler d’elle dans les jours qui viennent, selon l’UNPI.
Notons enfin que certaines voix associatives à Casablanca pointent certaines irrégularités ayant entaché certaines opérations de recensement des populations bénéficiaires de ces projets destinés au logement à 140.000 dirhams.
Dans ce cadre, nos sources bien informées n’ont pas manqué de mettre le doigt sur les manquements qui auraient entaché l’établissement de la liste des bénéficiaires du projet «Al Amane III» destiné au logement à faible valeur immobilière. «Les bénéficiaires de ce projet sont relogés dans le cadre de l’opération de relogement de doura M’Zabe à Sidi Moumen. Leur recensement a été truffé d’irrégularités. Il n’y a qu’à vous raconter l’histoire d’une seule famille «K» qui a profité de sept appartements dans ce projet», confirment les mêmes sources, non sans colère.