Kamal Sabri: Nouvelles fédérations et impératif de bonne gestion

«La bonne foi de la pêche côtière à été démontrée sur le terrain». l’affirmation de Kamal Sabri, Président de la Fédération nationale marocaine des palangriers (FNMP), intervient dans le cadre de cet entretien exclusif accordé à Le Reporter et dans lequel il parle aussi de différents aspects du secteur, entre autres le contexte de la création de deux nouvelles fédérations…

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Le Reporter : Deux nouvelles fédérations ont été récemment créées à Agadir. Quel est le contexte de la création de ces fédérations ? Quelle sont les attentes des professionnels par rapport à ces deux entités?

Kamal Sabri : La création des nouvelles fédérations s’inscrit dans une nouvelle vision de la Confédération nationale de la pêche côtière (CNPC). Cela fait plusieurs années que la Confédération  travaille d’une façon classique. On n’a pas encore une vision claire sur ce qui se passe dans les différents ports du pays et sur ce qui se passe par rapport à chaque segment de la pêche côtière (pélagique, chalut, palangre). Faut-il le souligner, il y a une grande différence entre ces trois segments. La pêche pélagique, par exemple, n’a rien à voir avec la pêche palangrière, que ce soit en ce qui concerne les techniques, le nombre des marins, les zones de pêche ou encore en termes d’armement. C’est pourquoi, aujourd’hui, on s’est dit qu’il faut vraiment restructurer la Confédération. D’où cette mobilisation pour restructurer le secteur de la pêche côtière. En créant des fédérations spécialisées dans chaque segment, on va ainsi pouvoir avoir des informations plus précises à même d’essayer de trouver des solutions aux problèmes des professionnels opérant dans chaque segment.

D’aucuns pensent que cette mobilisation des côtiers entre dans le cadre d’une guerre qui s’est déclarée, depuis quelques mois, entre les pêcheurs côtiers et les pêcheurs hauturiers. Qu’en dites-vous?

Ce n’est pas du tout ça. Nous on est contre personne. Chacun a ses intérêts dans le secteur de la pêche maritime au Maroc. Il y a des investissements qu’il faut sauvegarder. Pour montrer la bonne volonté de la pêche côtière, je vous rappelle que les côtiers n’étaient pas concernés par le plan d’aménagement du poulpe. Seule la zone au sud de Sidi Ghazi en était concernée. Il n’y avait que les hauturiers qui opéraient dans cette zone là. Et malgré cela, on a fermé tout le littoral pour sauver cette filière et lutter contre les gens qui s’adonnent au trafic de poulpe et au blanchiment des papiers. On a été les premiers à installer les VMS pour respecter les zones d’interdiction de pêche notamment pendant les arrêtés biologiques. C’est vous dire que la bonne foi de la pêche côtière à été démontrée sur le terrain.

Ceci dit, et pour être plus clair, je dois dire que jusqu’à maintenant, on gérait les choses d’une façon  macroscopique. Il  n’y avait pas vraiment  une visibilité sur la ressource. On ne savait pas ce qu’on pêchait réellement, ni d’ailleurs comment faire pour valoriser les produits de la pêche. Certes, la stratégie Halieutis a remis le secteur sur la bonne voie. On connaît les zones de pêche, et on a instauré les quotas. Mais aujourd’hui, il faut une gestion microscopique. Ce doit être par segment. Que font les palangriers? Que font les chalutiers? Que font les sardiniers ? Et comment faire pour améliorer le rendement de ces trois segments ? C’est là l’objectif de la création de la fédération nationale marocaine des chalutiers et la fédération nationale marocaine des bateaux pélagiques.

Quelles seront les premières priorités de ces deux nouvelles fédérations?

Elles auront comme priorités la valorisation – en aval- des produits de la pêche, et une meilleure commercialisation de ces produits sur le marché. Le consommateur a aujourd’hui droit à l’information sur le prix réel des produits de la pêche. Dois-je le rappeler, cette année, on a vu ce qui s’est passé pendant le mois de Ramadan. On a vendu aux citoyens du produit congelé dans des parkings sous le soleil. Je ne veux pas dire que c’est un mauvais poisson. Certes c’est un poisson qui est valorisé et qui est congelé à bord des navires. Mais il faut aussi mettre en place des structures pour commercialiser ce poisson congelé. On ne peut pas vendre un produit que ce soit du poisson ou de la viande dans des parkings en plein soleil. Ça ne se fait pas. Aujourd’hui, il faut trouver une place dans le marché pour ce produit congelé.

Une année à la tête de la fédération nationale des palangriers. Quel bilan faites-vous de cette première année?

La fédération est encore dans sa première phase. Le plus important c’est qu’on a commencé à parler de la pêche palangrière au Maroc. On essaie trouver des solutions à ce segment, lequel représente 940 bateaux et emploie près de 15.000 personnes à bord des navires palangriers. Sachant que beaucoup  parmi eux vivaient une situation très difficile. Certains d’entre eux étaient même en arrêt.

On n’a jamais mis en place une stratégie pour sauvegarder ces investissements et ces emplois. Pourtant, dans le monde entier, la pêche durable, ce n’est pas la pêche du fond, ni la pêche hauturière, ni la pêche côtière qui fait le chalut, ni encore la pêche pélagique, mais c’est surtout la pêche palangrière. Notre premier objectif, c’était donc de remettre en cause cette pêcherie. Il fallait surtout trouver des alternatives pour ce segment qui était en arrêt et à qui on a interdit pas mal d’espèces, dont les céphalopodes. Une mesure qui, rappelons-le, entrait dans le cadre du plan d’aménagement pour sauver la pêche hauturière.

A noter que nous avons demandé au ministère de tutelle de nous donner des explications sur l’interdiction du calamar et du céphalopode à la pêche palngrière. On a également invité les scientifiques de l’INRH à embarquer à bord des bateaux palangriers pour démontrer à l’administration que l’engin avec lequel on pêchait le Sar et le Cong, c’était le même engin dans lequel le calamar vient s’accrocher.

Concrètement avez-vous atteint des objectifs ?

Oui. Nous avons pu convaincre l’administration d’autoriser les palangriers de pêcher du calamar. Mais nos actions vont continuer pour défendre d’autres espèces qui ont été interdite à la palangre. En ce qui concerne, par exemple, les quotas accordés pour pêcher le thon rouge, le Maroc bénéficie d’un quota qui a été triplé par rapport à il y a dix ans. Ce sont ces gens, mais aussi les professionnels de la pêche artisanale, qui méritent beaucoup plus le quota qui sera alloué dans le futur au Maroc. Est-il à souligner, dans le monde entier, les palangriers ciblent aussi le thon rouge. Or au Maroc, ceux-là ne bénéficient que d’un quota médiocre ne dépassant pas les 40 tonnes sur un quota global de 2.000 tonnes. Ce n’est pas normal.

Interview réalisée par Naîma Cherii

 

 

 

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