Pêche : Inquiétudes sur le poulpe…

Le poulpe serait-il menacé au Maroc? La pêche de ce céphalopode est en train de s’intensifier. La question fait polémique en ce début de période de la pêche au poulpe.

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Les captures de céphalopodes, filière exclusivement dépendante de la demande des marchés asiatiques et européens, sont en baisse et les responsables n’ont d’autre choix que de baisser les quotas. Cette mesure a, d’ailleurs, été prise par le Comité de suivi, après que l’Institut national de la recherche halieutique (INRH) a tiré la sonnette d’alarme en livrant, il y a quelques semaines, son dernier rapport scientifique. Lequel confirme que les stocks de poulpe ont beaucoup diminué par rapport à la même période de l’année précédente. C’est ce qui explique, en fait, le report de l’ouverture de la nouvelle saison hivernale de la pêche aux céphalopodes qui s’est effectuée le 5 janvier 2019. Cette saison devra se poursuivre jusqu’au 31 mars 2019.

Le quota global attribué aux différents segments pour les trois prochains mois est de 18.000 tonnes. L’année dernière, à la même période, il était de 35.000 tonnes, soit une baisse d’environ 50%. Ce quota est réparti entre trois segments: hauturier (11.340 tonnes), côtier (1.980 tonnes) et artisanal de Dakhla (4.680 tonnes). En outre, un quota de 1.500 tonnes est accordé à la zone d’Aftissat, Boujdour centre et Sidi l’Ghazi, indique le ministère. Le 5 janvier, au port de Dakhla, par exemple, le kilo de poulpe se négociait à 130 DH. Ce même poulpe est actuellement évalué à 60-70 DH.

S’il est difficile de traduire en chiffres les pertes enregistrées par la pêche intensive, le Comité de suivi préconise un plan de bataille qui fait déjà grincer des dents parmi les contrebandiers. Dans ce cadre, le ministère de tutelle a mis en place des mesures de nature à renforcer le contrôle de l’activité et à contrecarrer les opérations liées à la pêche illicite sur tout le littoral, durant la nouvelle saison hivernale de la pêche aux céphalopodes qui s’est ouverte le 5 janvier 2019, souligne la même source.

Même dans les milieux des professionnels, la pêche illégale est dénoncée. Du côté des opérateurs de la pêche artisanale, par exemple, Moulay Hassan Talbi, président de l’Association des propriétaires de barques artisanales, dénonce un «braconnage avéré» du poulpe et soutient que le secteur reste menacé par la contrebande. La pêche au poulpe est interdite durant la période de l’arrêt biologique. «Et pourtant, tout le monde s’adonne à cette activité, au vu et au su de tous», dit ce professionnel, arguant que la responsabilité incombe à  tout le monde.

C’est le même constat fait par la Confédération nationale de la pêche artisanale. «Sur le terrain, les choses n’ont pas vraiment changé. Les ressources continuent d’être surexploitées par les contrebandiers qui sont très actifs pendant les repos biologiques», souligne le président de cette Confédération, Abdellah Lablihi. Et d’ajouter: «Nous avons envoyé plusieurs courriers aux responsables du secteur, pour attirer leur attention sur la situation alarmante. Un nombre non déterminé de barques pêchent de manière clandestine, notamment durant l’arrêt d’activité, sans être inquiétées ».

Il y a des gens indélicats qui achètent leurs marchandises à des braconniers de la mer, tonne un professionnel de la pêche côtière. «L’activité n’a pas cessé pendant le dernier arrêt de l’activité. A ce rythme, le poulpe pourrait disparaître de notre mer», s’alarme-t-il. Celui-ci, qui semble bien informé sur le sujet, accuse «une mafia» d’accaparer près de 80% du quota annuel de poulpe destiné à la pêche artisanale, dans certaines provinces du sud, soit plus de 20% du quota global.

Même constat de la part de Larbi Mhidi, président de la Confédération nationale de la pêche côtière. Ce professionnel, qui est aussi vice-président de la Chambre des pêches maritimes Atlantique Nord, pointe du doigt certains propriétaires d’unités frigorifiques. «Nous avons demandé de renforcer le contrôle pendant la période d’arrêt d’activité», soutient-il. Et de poursuivre: «Le poulpe des trafiquants est acheminé vers des unités de congélation. Ces unités sont maintenant pleines de poulpe de contrebande».

A Dakhla, par exemple, des professionnels ayant  requis l’anonymat relèvent qu’on ne comprend pas, compte tenu des données et des informations selon lesquelles certains propriétaires d’unités frigorifiques connues dans ce domaine de trafic illégal sont impliqués, pourquoi des mesures ne sont pas prises contre eux.

Les propriétaires de ces unités se frottent les mains depuis quelques jours. Nos sources expliquent que ceux-là se préparent, actuellement, à avoir les documents nécessaires pour blanchir le poulpe pêché pendant l’arrêt biologique. «Ce poulpe est acheminé vers certains ports du nord qui sont utilisés par les trafiquants, pour blanchir le poulpe capturé au sud. Pourtant, on sait, tous, que cette espèce n’est pas abondante au niveau de ces ports», explique-t-il.

Le département de tutelle devrait d’ailleurs vérifier si les documents correspondent effectivement aux quantités stockées, souligne le président de la Confédération nationale de la pêche artisanale, Abdellah Lablihi, qui ne mâche pas ses mots. «Les inspecteurs du ministère doivent procéder à des contrôles plus rigoureux, dans les différentes étapes de passage du poulpe, notamment celui vendu par des propriétaires d’unités frigorifiques connus par tous dans les sites de détournement du poulpe. Normalement, le contrôle de ces unités doit se faire pendant l’arrêt de l’activité. C’est ce que nous avons toujours demandé aux responsables du secteur», a-t-il insisté.

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